Vers des élevages autonomes en protéines

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Transformer et stocker les ressources alimentaires protéiques

Dans le cadre de l'autonomie en protéine, la question de la transformation et du stockage des fourrages et des concentrés se pose car les solutions choisies peuvent permettre d'optimiser cette autonomie. Les investissements dans une grange, un silo, un toasteur, une aplatisseuse ou une extrudeuse n'étant pas anodins, il est important de bien définir ses objectifs et d'avoir en tête les différentes options possibles. Voici une liste non exhaustive de différentes méthodes.

Les traitements mécaniques

L’aplatissage est une technique qui permet de valoriser les céréales. L’agriculteur devra alors investir dans un aplatisseur ou faire appel à un entrepreneur ou une Cuma équipée. Les céréales aplaties se conservent à l'abri et au sec. Les ruminants apprécient les céréales aplaties car elles sont plus appétentes et plus facilement assimilables. La digestion étant meilleure, la santé des animaux s’en trouve améliorée. Une céréale fraîchement aplatie garde ses vitamines et ses qualités nutritives.

Le décorticage des graines oléagineuses quant à lui, permet d'augmenter significativement le taux de protéines dans les tourteaux. C'est notamment le cas pour le tournesol (27% de protéines en non décortiqué contre 45% en décortiqué) et le colza (33% de protéines en non décortiqué contre 42% en décortiqué). Le problème majeur est la difficulté de bien décortiquer les graines.

Les traitements thermiques

Le toastage est le chauffage des graines de protéagineux (féverole, pois, lupin…). Une fois les graines toastées, il faut les stocker à l'abri et au sec. Il permet d'augmenter la digestibilité et donc le taux de protéines assimilables dans l’intestin, d’éliminer certains facteurs antinutritionnels et d’assurer la conservation des grains grâce à un taux de matière sèche (MS) élevé. Cependant, le bilan économique varie fortement, notamment en fonction du prix des concentrés et du prix du lait. Il doit donc s’adapter à chaque situation. Le plus économique est de louer le toasteur à une Cuma équipée ou chez un entrepreneur.

Francky Chapleau, éleveur laitier en Vendée en quête d’autonomie, témoigne. “Il y a toujours quelque chose à améliorer : perfectionner les mélanges composant les prairies pour une meilleure valorisation au pâturage... En ce moment, nous sommes en train de réfléchir en groupe à l’acquisition d’un toasteur pour améliorer la valorisation des protéagineux par les animaux et se passer des derniers kilos d’aliments achetés.”

L’extrusion permet d’augmenter les quantités d’huile produites lors du pressage. Les systèmes d’extrusion vont ouvrir les cellules graisseuses des céréales et réchauffer les matières premières avant le passage à la presse. Le stockage doit se faire à plat au sec et au frais, à l'abri de la lumière et dans un endroit ventilé. L’extrusion augmente la digestibilité des céréales et des légumineuses de 60 à 90%, et élimine les micro-organismes nuisibles. Elle permet également de combiner un mélange de composants de fourrage dans des granulés alimentaires ou des flocons extrudés.

Le stockage par voie sèche

Dans le cadre du séchage en grange, le fourrage doit être récolté et préfané. Le séchage se poursuit en grange où un air chaud et sec est ventilé à la base de la cellule de séchage et circule de bas en haut à travers le tas de foin qui repose sur un caillebotis en bois. Cette technique permet de maximiser la valeur alimentaire du foin. A la fin du séchage (2 à 3 semaines), le taux de matière sèche (MS) doit être supérieur à 85%.

Contrairement à un foin séché au champ, le foin séché en grange peut être conservé très longtemps et est de très grande qualité nutritive car l’herbe est moins travaillée et moins abîmée par les engins de fanage. Ce foin est ainsi plus riche en protéines, très appétant et adapté à la physiologie des ruminants.

Après séchage, la grange a l’avantage de pouvoir servir de lieu de stockage. La mise en place du bâtiment et du matériel peut cependant être très coûteuse (entre 50 000€ à plus de 300 000€) mais les frais de fonctionnement (ventilateur et griffe) sont relativement faibles (de 4 à 6 €/t MS de foin). En général, l’amortissement est réalisé sur une période de 10 à 15 ans.

Antoine et Thomas Delahaie, éleveurs laitiers en Seine-Maritime, ont investi dans un séchoir en grange. "Nous avions quelques doutes au départ sur l'importance de l'investissement dans le séchoir et la valeur nutritive du foin. Il nous a fallu deux ans pour bien ajuster notre nouvelle ration. Nous aurions pu prendre plus de temps en amont pour mieux penser la logistique du séchage, de la distribution et pour mieux nous former, afin de gagner du temps sur la mise en place du nouveau système d'alimentation. Mais nous sommes très satisfaits de ce changement, qui nous a permis de repenser entièrement et d'améliorer la gestion sanitaire du troupeau laitier."

Le stockage par voie humide

Les deux grandes méthodes sont l’enrubannage et l’ensilage. L'objectif ici est de conserver un fourrage avec une teneur en matière sèche (MS) faible.

Les silos permettent de stocker l'ensilage pour le donner aux animaux en saison sèche et froide. Plusieurs types de silos existent.

Le silo couloir est adapté pour les grands volumes. Il est simple à construire et est le plus privilégié dans les fermes, notamment pour le maïs. Le tassage et la couverture sont contraignants mais le silo couloir est plus simple à reprendre au quotidien. Le coût moyen d’un silo couloir bétonné de 2,5 m de hauteur pour 10 m de large se situe entre 76 et 116 euros/m².

La taupinière est le silo le plus économique car il nécessite peu de matériaux : une dalle en béton ou une bâche épaisse et une bâche de fermentation avec des poids. L'étanchéité est cependant inférieure aux silos couloirs et la gestion est compliquée. La taupinière est envisageable pour des excédents ou comme silo tampon.

Le silo tour quant à lui reste coûteux. Il permet de stocker de grands volumes sur des surfaces restreintes. Aucune opération de tassage ou bâchage n'est nécessaire, ce qui améliore le travail au quotidien et une seule personne peut remplir le silo.

Le silo boudin, est idéal pour les petites quantités et permet une excellente conservation, mais il est très coûteux à mettre en place. Le coût est d’environ 300 euros HT/ha. Il peut être utilisé comme silo de transition ou silo estival quand les vaches consomment moins d’ensilage.

Les stratégies de stockage

La première stratégie est de constituer des stocks de report, notamment avec des fourrages secs qui se conservent pendant longtemps, pour les périodes où l'on manque de fourrages. On peut aussi par exemple diversifier le système fourrager via les cultures (méteils) mais aussi via les périodes de récolte. Cette diversification est gagnante lorsque les conditions climatiques se compliquent.

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