A l’eau 2050 (4/10) : Moins de maïs et plus d’ACS dans le Sud-Ouest

Dans le bassin du Midour (Gers-Landes), la substitution du maïs par d’autres espèces de printemps et dans une moindre mesure par du blé et du colza permettrait de gagner en sobriété, alliée à l’agriculture de conservation des sols et au renforcement de l’efficience de l’irrigation. Le recours aux eaux usées traitées est aussi envisagé.

A cheval sur le Gers et les Landes, le bassin du Midour représente une SAU de 40 573 ha, couverte à 38% par du maïs, 22% par les céréales, oléagineux et protéagineux, 20% par les prairies et fourrages, 10% par la vigne (Armagnac et AOC Saint-Mont) et 8% par la jachère. L’élevage (50% des exploitations), domine les grandes cultures (30%) et la viticulture (17%).

L’irrigation est déployée sur 28% de la SAU, concentrée sur le maïs grain, le maïs semences, le soja et le tournesol, avec des demandes de plus en plus pressantes en vigne. Le bassin versant comporte 965 points de prélèvement répartis de manière homogène sur tout le territoire. L’eau est principalement prélevée dans les retenues d’eau, dans les cours d’eau et dans les nappes souterraines dans la partie aval, à hauteur de 21 millions de m3 (2016). Sous influence océanique, la pluviométrie moyenne annuelle (930 mm/an) a baissé de 30 mm au cours des 15 ans passés, ce qui équivaut à un tour d’eau.

Scénarios à l’horizon 2050

Le bassin du Midour fait l’objet d’un Projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), adopté en mars 2020, sous l’égide de l’Institution Adour, un établissement public territorial de bassin (EPTB) constitué en 1978 par les quatre conseils généraux du bassin de l'Adour. Dans son programme d’actions, le PTGE a esquissé des scénarios portant sur trois composantes que sont la réutilisation des eaux usées traitées au sein de trois stations (équivalant à 2,15 M m3), la mise en œuvre du goutte-à-goutte aérien ou enterré et d’outils d’aide au pilotage (2,1 à 3,9 M m3) et enfin l’adaptation des usages au milieu, prônant notamment l’Agriculture de conservation des sols (ACS).

Résultat : en forçant sur ces trois composantes, le gain maximal serait compris entre 5,6 M m3 et 8,1 M m3 mais le déficit resterait dans le meilleur des cas compris entre 2,1 M m3 et 5,7 M m3. La vigne pourrait à elle seule absorber 3,2 M m3 à l’horizon 2050. Le PTGE envisage de combler ces déficits par l’agrandissement ou la rehausse de retenues existantes et/ou la création de nouvelles retenues.

Le maïs, surfait et surclassé ?

Une autre piste réside dans la diversification des assolements. Mais les producteurs résistent, arguant que le maïs est porteur de biomasse bénéfique au sol. Au plan économique, le maïs est perçu comme une culture apte à sortir un rendement et un revenu acceptables, même en cas d’irrigation insuffisante. Et pourtant, selon une étude de CER France, représentative de 48% des exploitations du bassin, les grandes cultures irriguées se placent au 6ème rang des EBE (365 €/ha), devant les grandes cultures en sec (222 €/ha), mais loin derrière la viticulture (889 €/ha), les grandes cultures bio (676 €/ha), la polyculture-élevage en sec (598 €/ha), la polyculture-élevage en irrigué (545 €/ha et le maïs semence (468 €/ha).

Selon le rapport "Changement climatique, eau, agriculture : quelles trajectoires d'ici 2050 ?" des conseils généraux de l'agriculture (CGAAER) et de l'environnement (CGEDD) paru en 2020, si la production de maïs à haute valeur ajoutée a toute sa place (maïs semence, waxy et waxy pro, doux et maïs conso destinés à l’alimentation des volailles), les 55 % de maïs standards destinés à la fabrication d’aliment en Espagne, de biocarburant ou d’alcool pose question au regard de leur valorisation et de leur consommation d’eau.

Des pistes de diversification

La place du maïs standard interroge d’autant plus que des cultures alternatives, testées et éprouvées par la coopérative Maïsadour via ses agrosites, légitiment l’introduction et/ou le développement d’autres cultures. Du côté des espèces estivales sont pointées le soja, au rapport économique légèrement inférieur voire égal à celui du maïs moyennant l‘économie d’un tour d’eau (soit 17%), le tournesol, au différentiel économique certes important avec le maïs irrigué mais moins fort en cas de difficultés d’irrigation. En système irrigué, la rotation soja, maïs et tournesol est considérée comme ayant une rentabilité proche de celle du maïs seul. Toujours en cultures d’été, il faut aussi compter avec le sorgho, moins intéressant que le maïs pour l’aliment du bétail mais très intéressant pour les volailles, à ceci près que certains cahiers des charges AOP et Label rouge le bannissent.

Les cultures d’hiver pourraient par ailleurs se frayer une place dans les assolements, dont le colza, certes soumis à l’aléa de sa levée mais résistant à la sécheresse passé le stade deux feuilles. A défaut du colza, le blé pourrait aussi s’inviter dans la rotation, même si la présence de sols hydromorphes en amont du bassin, des hivers peu rigoureux alliés à de fortes pluies favorisant les maladies sont jugés rédhibitoires. Un jugement un peu hâtif selon des agriculteurs pratiquant l’agriculture de conservation des sols  Mais dans le même temps, certains adeptes l’ACS attestent que la monoculture de maïs avec couverture permanente du sol engendre des rendements supérieurs de 40% à ceux du conventionnel pour une consommation en eau inférieure de 30% et une séquestration de près de 2 tonnes/ha de carbone dans le sol...

Un déficit potentiellement comblé

Au final, la réduction de moitié de la sole irriguée par le biais de l’introduction d’une rotation soja, maïs et tournesol en irrigué, associée éventuellement à l’introduction d’un colza ou d’un blé, permettrait de réduire les besoins en eau d’irrigation de 30 à 50%, soit entre 3 M m3 et 5 M m3. Grosso modo le déficit anticipé par le scénario le plus ambitieux du PTGE.

Selon la mission CGAAER / CGEDD, qui a réalisé 7 études de cas dans différentes régions, le cas du Midour, via son PTGE, est celui qui va le plus loin dans la transition, en dépassant le stade des simples adaptations pour viser des modifications profondes, via l’amélioration de la rétention de l’eau par les sols, la lutte contre leur érosion, la mise en place de nouvelles pratiques agronomiques (ACS, agroforesterie, ...), ainsi que d’autres évolutions non directement liées à une gestion plus économe de l’eau telles que la relance de l’élevage, le développement de l’agriculture biologique et des circuits courts. A une réserve près : le PTGE du bassin du Midour ne se fixe pas d’objectif.

Tous les articles de la série :

A l’eau 2050 (1/10) : Vers une stratégie nationale d’adaptation de l’agriculture au climat

A l’eau 2050 (2/10) : Oui à la création de nouvelles ressources... sans irriguer davantage

A l’eau 2050 (3/10) : 4 tirs de barrage entre agriculture et écologie

A l’eau 2050 (4/10) : Moins de maïs et plus d’ACS dans le Sud-Ouest

A l'eau 2050 (5/10) : L'Aveyron tout en réserve(s)

A l'eau 2050 (6/10): Dans l'Hérault, la vigne réclame à boire

A l’eau 2050 (7/10) : Dans le Loiret, les petits ruisseaux font les petites réserves

A l’eau 2050 (8/10) : Le coup de chaud des vergers du Vaucluse

A l’eau 2050 (9/10) : Dans l’Aisne, ça baigne pour les cultures industrielles

A l’eau 2050 (10/10) : à Nantes, des cultures marai...chères en eau