A l’eau 2050 (10/10) : à Nantes, des cultures marai...chères en eau

La Loire-Atlantique a développé une filière d’excellence en productions légumières, au prix d’une dépendance à l’eau, doublée d’impacts qualitatifs. Face aux menaces et tensions croissantes, une certaine forme d’attentisme prévaut.

20% du chiffre d’affaires agricole départemental, 3 500 emplois, premier producteur européen de mâche et de muguet, premier producteur national de poireau et de radis, second producteur national de tomate, le tout sur une partie congrue de la surface agricole utile (1,3%), dans un contexte concurrentiel aigu et sans véritable soutien de la Pac : le maraichage nantais détone et rayonne au-delà des frontières nationales.

Forcément, la médaille a son revers. Les faiblesses (et les forces) de la ceinture maraichère de l’agglomération nantaise sont pointées dans un rapport des conseils généraux de l'agriculture (CGAAER) et de l'environnement (CGEDD), décryptant l’impact du changement climatique sur l’eau et l’agriculture à l’horizon 2050. « En dépit de progrès significatifs réalisés au cours des dernières années, les pratiques des maraîchers génèrent des conflits d’usage de l’espace récurrents », peut-on y lire.

Sont notamment pointés les problèmes d’intégration paysagère des serres et grands abris plastiques, leur blanchiment et déblanchiment, l’utilisation massive de sable générant d’importants flux des transports ou encore des problèmes de pollution diffuse.

"Les résidus de pesticides tels que l’atrazine, le glyphosate et ses dérivés sont systématiquement détectés dans les prélèvements"

La problématique de l’eau est évidemment pointée, dans ses dimensions quantitatives et qualitatives. En 2019, le département de la Loire-Atlantique a connu une situation hydrologique historiquement inédite, avec un débit de la Loire inférieur 100 m3/s, en limite d’une crise majeure en matière d’alimentation en eau potable pour l’agglomération nantaise. En outre, les deux grands barrages à l’amont n’ont pu satisfaire le besoin d’étiage.

L’état de l’eau y est jugé « mauvais » pour 89% des masses et ne s’améliore pas, en dépit des moyens déployés par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne. Les cours d'eau de Loire-Atlantique présentent une qualité physico-chimique globalement dégradée sur l'ensemble du département. Les apports en sédiments des bassins versants et l'écoulement lent des rivières participent à cette dégradation, en partie en lien avec les pressions d’origine agricole, dues aux prélèvements et aux pollutions en nitrates et phosphates. « Dans les eaux superficielles, les résidus de pesticides tels que l’atrazine, le glyphosate et ses dérivés sont systématiquement détectés dans les prélèvements », indique le rapport.

Une prise de conscience réelle

La mission relève que la filière a fait des efforts en matière d’environnement. Est citée par exemple la réutilisation de l’eau pour les serres verre, ce qui n’empêche pas les maraichers de réclamer de nouveaux moyens pour sécuriser la ressource en eau, telles que la création de bassines, inspirées de la Vendée voisine. Il faut dire que le secteur du maraichage grignote du territoire, au notamment au détriment de l’élevage, économiquement beaucoup plus tangent.

Face aux menaces du changement climatique, les initiatives se multiplient de toutes parts. Le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) s’est enrichi d’un volet sur l’adaptation au changement climatique. Les Chambres d’agriculture des Pays de la Loire ont lancé mi 2019 une stratégie pour la période 2019-2025 établissant une vision commune sur les enjeux et leviers à mobiliser pour agir sur la quantité, la qualité, les milieux et le climat.

L’Agence de l'eau Loire-Bretagne a lancé début 2020 un appel à projets pour accompagner, au travers de l’émergence d’actions concrètes, l’adaptation au changement climatique par des économies d’eau consommée dans les territoires. La recherche publique est également impliquée, notamment via le projet Leg’Eau portant sur l’efficience de l’irrigation.

"Les logiques et capacités d’adaptation au changement climatique, à l’horizon 2050, restent aujourd’hui une grande inconnue"

Le temps presse. Un rapport du Conseil économique, social et environnemental régional datant de 2016 dresse un bilan sombre des masses d’eau d’ici 2050, sous l’effet de l’augmentation des températures, conjuguée à la diminution des précipitations. Le niveau moyen minimum des cours d’eau pourrait ainsi baisser de 30% à 60%, faisant des Pays de la Loire une des régions les plus impactées.

La recharge des eaux souterraines pourrait quant à elle diminuer de 30 %. Ces projections ne prennent en compte ni l’évolution démographique, ni la menace d’une altération de la qualité sanitaire des eaux superficielles, concentrant 60% des volumes prélevés pour l’alimentation en eau potable dans la région. « Les logiques et capacités d’adaptation au changement climatique, à l’horizon 2050, restent aujourd’hui une grande inconnue, indique la mission CGAAER/CGEDD. Les notions d’acceptabilité sociale et du multi-usages, désormais essentielles, restent à travailler ».

L’étude pointe également la complexité de la gouvernance du système hydrologique : absence formelle de gestion collective et pluri-annuelle de la ressource (ni Organisme unique de gestion collective, ni Zone de répartition des eaux), insuffisance des connaissances des volumes prélevables, « pressions de la profession agricole pour obtenir des dérogations aux arrêtés sécheresse ».

 

Tous les articles de la série :

A l’eau 2050 (1/10) : Vers une stratégie nationale d’adaptation de l’agriculture au climat

A l’eau 2050 (2/10) : Oui à la création de nouvelles ressources... sans irriguer davantage

A l’eau 2050 (3/10) : 4 tirs de barrage entre agriculture et écologie

A l’eau 2050 (4/10) : Moins de maïs et plus d’ACS dans le Sud-Ouest

A l'eau 2050 (5/10) : L'Aveyron tout en réserve(s)

A l'eau 2050 (6/10): Dans l'Hérault, la vigne réclame à boire

A l’eau 2050 (7/10) : Dans le Loiret, les petits ruisseaux font les petites réserves

A l’eau 2050 (8/10) : Le coup de chaud des vergers du Vaucluse

A l’eau 2050 (9/10) : Dans l’Aisne, ça baigne pour les cultures industrielles

A l’eau 2050 (10/10) : à Nantes, des cultures marai...chères en eau