A l’eau 2050 (8/10) : Le coup de chaud des vergers du Vaucluse

Les excès de chaleur menacent davantage la production arboricole que l’accès à la ressource en eau. Mais plus encore que l’aridité, c’est la pression foncière et économique qui étouffe le verger du Vaucluse et engendre sa décroissance.

Avec environ 10% de la SAU, l’arboriculture est la troisième production du département du Vaucluse (mais la deuxième en valeur), loin derrière la vigne (47% de la SAU) et les grandes cultures (20% de la SAU) et devant les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (5%) et le maraichage (4% de la SAU). La pomme domine la cerise, l’olive, la poire et l’abricot.

Le verger est irrigué à 85%. Les trois quarts des irrigants ont accès à des réseaux collectifs, alimentés par le Rhône et la Durance, le solde étant assuré par des forages dans la nappe. « L’agriculture pluviale est très risquée et le sera vraisemblablement de plus en plus », relève un rapport des Conseils généraux de l’agriculture (CGAAER) et de l’environnement (CGEDD) sur le changement climatique, l’eau et l’agriculture à l’horizon 2050. Les deux tiers du territoire bénéficient d’un accès sécurisé à l’eau.

Un projet de territoire

Le projet d’aménagement hydraulique « Hauts-de-Provence Rhodanienne » vise ainsi à permettre un développement de l’irrigation sur le territoire, tout en réduisant les prélèvements d’eau sur la nappe du Miocène, réservée à l’alimentation en eau potable et dans les affluents du Rhône classés en zone de répartition des eaux en les substituant par des prélèvements directs dans le Rhône.

Sa mise en œuvre reste conditionnée à l’identification d’un maitre d’ouvrage pouvant porter le projet et au bouclage du plan de financement. Elle pourrait s’effectuer par le biais d’un Projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) dont la mise en place est souhaitée par la profession agricole.

"L’irrigation gravitaire profite aux surfaces adjacentes."

En ce qui concerne les matériels et le pilotage de l’irrigation, les techniques d’économie déjà mises en œuvre par les arboriculteurs les plus performants, présentent une marge de développement qu’il faudrait chiffrer plus précisément, permettant sans doute à volume égal consommé, une extension significative de périmètres actuels.

L’arrosage gravitaire, qui représente près d’un tiers de la sole irriguée, est ici visé. Toutefois, le gaspillage d’eau induit par cette technique ancestrale, n’est pas perdu pour tout le monde, puisqu’il profite indirectement aux surfaces adjacentes aux surfaces cultivées, avec des incidences non négligeables sur les paysages et la biodiversité. La mission CGAAER/CGEDD suggère le maintien de l’irrigation gravitaire à proximité des zones urbaines pour y maintenir des espaces végétalisés générant un micro-climat et limitant le développement d’îlots de chaleur.

L’impact des chaleurs extrêmes

Le changement climatique ne se pose pas seulement en terme hydrauliques. Selon l’Inrae, cité dans le rapport, les questions des températures extrêmes et de leurs conséquences sont plus problématiques que le manque d’eau. Elles sont en grande partie sous-estimées, en dehors de certaines grosses exploitations produisant des pommes.

« L’arboriculture doit sans doute se préparer à une stratégie de transformation de ses systèmes de production à cause des chaleurs extrêmes, écrit la mission. La viticulture est la seule qui est dans une démarche d’anticipation sur tout son environnement. Il ne semble pas que la place des cultures pluviales ou de l’élevage soit susceptible de développement important. Il ne semble pas non plus que des changements de culture (amandier, olivier...) soient porteurs de modifications très importantes de l’assolement ».

Un verger victime de l’artificialisation

Le Vaucluse est soumis à une très forte érosion de son activité agricole. Entre 1970 et 2010, une exploitation sur deux a disparu. Quant à la SAU, elle s’est réduite de plus de 10% au cours des deux dernières décennies. La mission relève que le phénomène d’artificialisation dans le département est bien supérieur à la moyenne nationale. Qui plus est, par leur situation, les surfaces irriguées seraient les plus impactées.

L’arboriculture est particulièrement exposée au phénomène. Sur les territoires Rhône, Durance et Ventoux, entre 2001 et 2014, les cultures permanentes ont perdu 3 700 ha au profit de terres arables et prairies (75%) et de la friche (13%). Une part de cette évolution est due à l'inadaptation du matériel végétal, aux problèmes phytosanitaires, à la concurrence nationale et internationale, aux règlementations et charges par rapport au personnel agricole et, en partie, à la disponibilité des ressources en eau.

« L'évolution tendancielle conduit à un repli alors que la disponibilité en eau confère à ces territoires, comparativement à beaucoup d’autres, des atouts incomparables », conclut la mission.

 

Tous les articles de la série :

A l’eau 2050 (1/10) : Vers une stratégie nationale d’adaptation de l’agriculture au climat

A l’eau 2050 (2/10) : Oui à la création de nouvelles ressources... sans irriguer davantage

A l’eau 2050 (3/10) : 4 tirs de barrage entre agriculture et écologie

A l’eau 2050 (4/10) : Moins de maïs et plus d’ACS dans le Sud-Ouest

A l'eau 2050 (5/10) : L'Aveyron tout en réserve(s)

A l'eau 2050 (6/10): Dans l'Hérault, la vigne réclame à boire

A l’eau 2050 (7/10) : Dans le Loiret, les petits ruisseaux font les petites réserves

A l’eau 2050 (8/10) : Le coup de chaud des vergers du Vaucluse

A l’eau 2050 (9/10) : Dans l’Aisne, ça baigne pour les cultures industrielles

A l’eau 2050 (10/10) : à Nantes, des cultures marai...chères en eau