Installation en Aveyron (1/3) : « On a atteint un point de rupture »

Président des JA de l’Aveyron, Romain Déléris s’inquiète de la baisse du potentiel productif du département, une des mauvaises surprises du dernier recensement. Mais il n’y a pas d’AOP Résignation dans l’Aveyron.

« Pendant longtemps, la baisse du nombre d’agriculteurs a été compensée par l’agrandissement et l’intensification. Mais là, on assiste en prime à une baisse de la production, qui va entrainer derrière des difficultés d’approvisionnement pour les outils de transformation, ainsi que des pertes d’activité, de valeur et de vitalité pour notre territoire. Ce que l’on redoutait depuis des années est en train de se réaliser : on arrive à un point de rupture ».

Évolution du nombre d'exploitations par classe de SAU (Source : VizAgreste)
Évolution du nombre d'exploitations par classe de SAU (Source : VizAgreste)

Si les données du dernier recensement agricole sont encore partielles, elles laissent peu de doute quant au diagnostic porté par Romain Déléris, président des JA de l’Aveyron. La pyramide des âges étant ce qu’elle est, la baisse du nombre d’agriculteurs, ici comme ailleurs, est sans surprise. En revanche, la baisse de la production agricole est un mauvais coup.

Romain Déléris, au sortir de la session du RGA, que les JA de l’Aveyron avaient l’honneur d’organiser cette année
Romain Déléris, au sortir de la session du RGA, que les JA de l’Aveyron avaient l’honneur d’organiser cette année

Les signes de qualité ne font pas tout

Quand on sait qu’au niveau national, 80% des 100.000 exploitations qui ont disparu du paysage au cours de la décennie écoulée avait une activité en lien avec l’élevage, le diagnostic relatif à l’Aveyron n’a rien de surprenant, dans la mesure où un atelier animal est systématiquement présent, ou quasiment, sur chaque exploitation. Il faut dire que la SAU est couverte à 75% par de l’herbe.

« On paie l’affaiblissement général des filières d’élevage, décrypte le responsable syndical. Les productions sous signe de qualité ne font pas tout ». L’Aveyron est en effet riche d’AOP fromagères (Roquefort, Laguiole, Cantal, Bleu des Causses, Rocamadour) et d’IGP et/ou Label Rouge en viande : Veau d’Aveyron et du Ségala, Bœuf fermier d’Aubrac, Fleur d’Aubrac (IGP), Agneaux des Pays d’Oc etc. On n’oublie pas les quatre AOP viticoles.

« Les pertes d’effectifs les plus significatives sont celles de type familial associant mari et femme et qui représentent le modèle majoritaire, analyse Romain Déléris. L’image de l’élevage et ses difficultés d’exercice sont peut-être plus prégnantes chez nous qu’ailleurs. Ces difficultés dissuadent un peu les prescripteurs de la formation d’envoyer des jeunes dans nos filières. De même elles font hésiter les porteurs de projet issus de nos rangs ». 

La question de la vivabilité dans le métier est clairement posée, avec au premier rang la question des charges et de la rémunération. Du côté des politiques publiques, les JA décernent un mauvais point au Plan stratégique national (PSN) pour la prochaine Pac, et plus particulièrement à la redéfinition des aides couplées bovines. « Elles vont occasionner des transferts interdépartementaux vers des filières moins en difficulté, comparativement à la nôtre », juge le jeune éleveur. Concernant Egalim 2 et la contractualisation, le diagnostic est encore prématuré.

Évolution du nombre d'exploitations par spécialisation (Source : VizAgreste)
Évolution du nombre d'exploitations par spécialisation (Source : VizAgreste)

Se saisir du Point accueil formation installation transmission

Romain Déléris espère que les résultats du recensement agricole vont faire office d’alerte auprès des décideurs, même si l’effacement inexorable de la population agricole et de sa représentativité constituent une autre source de vulnérabilité. Pour déjouer la fatalité, le président des JA de l’Aveyron mise aussi sur la rénovation du parcours à l’installation, porté au niveau national par les Jeunes agriculteurs avec le Point accueil formation installation transmission (Pafit). « On a quand même réalisé 140 installations aidées en 2021, un des meilleurs scores au plan national, se rassure-t-il. Et même si l’on ne remplace pas tout monde, on a un taux de renouvellement assez honorable avec deux installations pour trois départs ».