La crise agricole, au risque de la surenchère

[Edito] En dépit d’un activisme à rendre verts les militants les plus patentés, le gouvernement reste sous le monitoring des syndicats agricoles, qui jouent aussi leur partition en prenant à témoin les Français. Jusqu’à quand ?

Si l’exécutif pensait que l’inauguration éruptive du Salon de l’agriculture, le 24 février, et son soulèvement de terriens, constituait le point d’orgue de la crise agricole, c’est raté. Ce vendredi 1er mars, à deux jours de la clôture de la 60ème édition, la Coordination rurale s’est rappelée au bon souvenir du gouvernement en menant une action coup de poing autour de l’Arc de triomphe à Paris, avec tracteurs et bottes de paille. Comme une piqure de rappel, alors que la fièvre était doucement retombée depuis samedi, où le président de la République et les visiteurs ont été, on n’ira pas jusqu’à dire pris en otage, mais en tout cas empêchés pendant quelques heures. « Chacun sait combien chaque jour d’ouverture, chaque année, c’est un peu un jour de Fête nationale » a déclaré le Premier ministre au lendemain de l’inauguration, pointant en creux une forme de sacrilège.

Bottes et PowerPoint

Depuis sa nomination le 9 janvier, celui qui disait emmener avec lui « la cause de l’école », en référence à son furtif passage à l’Éducation nationale, a en réalité pris ses bottes (pas neuves) à son cou et converti ses PowerPoint à la mode agricole. Les bottes pour battre la campagne ici en Haute-Garonne, là en Indre-et-Loire, ou encore dans la Marne, pendant que ses ministres de l’Agriculture se dédoublaient dans les Pyrénées-Orientales, en Seine-Maritime ou encore dans le Finistère. Les PowerPoint pour faire des points d’étape sur les 62 engagements du gouvernement. « En trois semaines, 100% des chantiers ont été ouverts, 50% sont d’ores et déjà̀ faits, 31% sont bien avancés et 19% nécessitent encore des travaux complémentaires », avait professé Gabriel Attal, sans compter les avancées européennes. Peine en partie perdue, alors que le président de la République s’est engagé à réunie les syndicats d’ici au 15 mars et que le Projet de loi pour une agriculture souveraine sera présenté en Conseil des ministres le 20 mars.

Ring et monitoring

Avec son action à l’Arc de Triomphe, la Coordination rurale a renvoyé le Premier ministre et sa « Fête nationale », à « la prise de la Bastille et à la prise pacifique du marché de Rungis ». « Stop à la cogestion qui a fait disparaître près de 800.000 vaches de nos prés » a déclaré la CR sur X, donnant à voir par la même occasion la lutte d’influence à laquelle se livrent les syndicats agricoles dans le moment actuel. Les « animaux politiques » ne font pas autre chose au Salon de l’agriculture, où les joutes sont devenues le 4ème ring du hall des animaux. Mais la surenchère des syndicats, alors que le gouvernement, sous le monitoring des organisations agricoles, est devenu en quelques semaines le premier activiste du monde agricole, pourrait finir par interroger nos compatriotes, dont le quotidien n’est pas toujours un bonheur (sans le pré). Le pré, les vaches s’apprêtent à y retourner tandis que les tracteurs et les pulvés vont battre la campagne pour préparer les semis et protéger les cultures, offrant un potentiel répit au gouvernement. Au fait, on en est où avec Ecophyto 2030 ?