Pac : l’UE prête à lâcher du lest

Jachères, prairies, zones humides... Les obligations vertes de la nouvelle Pac appliquée depuis l'an dernier sont sous le feu du mécontentement agricole, poussant l'UE à envisager flexibilités et dérogations.

Réunis à Bruxelles le 26 février, les ministres européens de l’agriculture ont demandé à la Commission européenne de préparer une évolution de l’acte de base de la Pac, de nature à pérenniser plusieurs dérogations et flexibilités temporaires adoptées récemment sinon en voie d’adoption.

Jachères

Parmi ces conditions : les exploitations doivent laisser au moins 4% des terres arables en jachères ou surfaces non-productives (haies, bosquets, mares...). Après une suspension en 2023 de ce critère pour garantir la production sur fond de guerre en Ukraine, la Commission a déjà adopté pour 2024 une dérogation partielle. L'obligation sera désormais d'atteindre 7% en cumulant d'éventuelles jachères mais aussi cultures intermédiaires ou fixatrices d'azote (lentilles, pois...) sans produits phytosanitaires.

Prairies, rotation des cultures, sols couverts

D'autres conditionnalités sont fustigées par les organisations agricoles, qui les jugent impraticables face aux aléas climatiques et aux difficultés économiques. Bruxelles a lâché du lest jeudi sur l'obligation de maintenir (à 5% près) les surfaces de prairies permanentes au niveau de 2018 : il propose d'en exempter les éleveurs se convertissant dans les cultures céréalières pour éviter que leurs revenus soient pénalisés. Là encore, la dérogation vaut seulement pour 2024. Des Etats réclament l'assouplissement d'autres conditionnalités : l'interdiction de sols nus durant les périodes sensibles, et l'obligation (entrée en vigueur cette année) de rotation des cultures, avec une culture différente de l'année précédente sur 35% des terres arables.

Le commissaire à l'Agriculture Janusz Wojciechowski a plaidé pour que plusieurs conditionnalités (couverture des sols, rotation des cultures, prairies, jachères) redeviennent « volontaires » jusqu'à fin 2027. Outre des flexibilités immédiates pour cette année sur ces divers critères, les ministres de l'Agriculture souhaitent des assouplissements durables de ces conditionnalités dans une révision législative.

Tourbières

Les syndicats s'inquiètent de l'obligation de protection des zones humides et tourbières, en vigueur depuis cette année, redoutant « l'impact économique négatif ». D'autres conditionnalités concernent l'interdiction du brûlage après la récolte du chaume, les bandes-tampons herbées le long des cours d'eau, l'encadrement des labours pour réduire la dégradation des sols.

Ecorégimes

C'est l'outil phare de la nouvelle Pac : des primes récompensant les agriculteurs recourant volontairement à des pratiques écologiques plus exigeantes. Leur contenu est défini par les Etats: réduction d'intrants, surfaces en agroécologie, plantation de légumineuses fourragères, nombreuses haies ou bosquets, couverture très longue des sols pour accroître qualité de la terre et biodiversité...

Les Etats doivent consacrer aux écorégimes 25% par an des paiements directs de la Pac : en pratique, les agriculteurs doivent donc respecter un ou plusieurs écorégimes pour garder le même niveau d'aides. Si certains pays, comme la France, s'y étaient préparés, c'est loin d'être le cas partout. Les syndicats agricoles majoritaires réclament « des dérogations ». Bruxelles se dit simplement prêt à les « simplifier ». « De nombreux agriculteurs bénéficient de ces incitations financières, certains écorégimes sont très populaires », a insisté lundi M. Wojciechowski, jugeant « plus efficace » d'atteindre les objectifs environnementaux « par des incitations plutôt que par la contrainte ».

« Force majeure » climatique

Bruxelles propose qu'une tolérance soit accordée en cas « de force majeure », par exemple d'épidémie ou d'épisodes climatiques extrêmes (sécheresse, inondations...) empêchant un agriculteur de respecter les exigences de la Pac, afin qu'il n'encoure pas de pénalités.

Contrôles, plans nationaux

Lors d'une future révision législative, la Commission envisage d'exempter des contrôles liés aux conditions environnementales les petites exploitations de moins de 10 hectares, qui représentent 65% des bénéficiaires de la Pac, mais ne couvrent que 9,6% des surfaces. Les ministres ont réclamé lundi d'autres modifications législatives pour « simplifier la procédure d'adaptation des plans stratégiques nationaux » ou encore pour « une meilleure coordination des contrôles », selon le ministre belge David Clarinval.