La végétalisation, à la ville mais pas seulement

Si la végétalisation peut rendre nos villes et nos vies plus respirables, le sort de la planète tient en partie à la végétalisation de notre alimentation et donc de l’agriculture. Il serait grand temps de l’assumer politiquement et de préparer les esprits, sauf à miser sur l’augmentation rédhibitoire du prix du steak et sur l’hémorragie démographique des éleveurs.

[Edito] Le gouvernement a annoncé le 14 juin le lancement d’un programme et d’un fonds de 500 millions d’euros destinés à renaturer les villes par la création de canopées urbaines et la végétalisation de façades. L’annonce fait suite à la vague de chaleur aussi précoce qu’intense qui s’abat sur la France en cette mi-juin, évoluant en épisode caniculaire, dernier artefact en date du changement climatique. Avec ses surfaces bitumées, bétonnées, vitrées et densifiées, la ville est structurellement très sensible aux vagues de chaleur, lesquelles ne génèrent pas seulement de l’inconfort mais également de la surmortalité, comme l’a documenté Santé Publique France lors de la canicule de 2003.

Les émissions de GES en baisse

La vague de chaleur et le programme de renaturation urbaine coïncident avec la publication des chiffres d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour l’année 2021 par le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa). Après une baisse de -9,6% en 2020, année mise sous cloche par le Covid, les émissions sont reparties à la hausse en 2021, de +6,4%. Ce qui fait dire au Cetipa que « le rebond pré-estimé pour 2021 ne revient pas au niveau d’avant-crise » et que « la tendance à la baisse des émissions se poursuit ». Un satisfecit dont le gouvernement s’est emparé, pour louer la baisse des émissions de GES de 3,8% par rapport à 2019 (pré-Covid) et de 9,6% par rapport à 2017, tout en actant la nécessité « d’intensifier l’effort en doublant le rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre dans les cinq prochaines années ». La France s’est en effet engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici à 2030 par rapport à 1990. L’Europe a rehaussé cet objectif à 55% dans le cadre du Paquet climat « Fit for 55 ». Selon le Citepa, notre pays pointait à -23% en 2021.

Moins mais mieux : le modèle viticole

L’objectif de décarbonation assigné à l’agriculture, responsable de 19% des GES en France, dont la moitié générée par l’élevage, est inscrit dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), à hauteur de -46% à l’horizon 2050. L’élevage est notamment invité à préserver les prairies permanentes, à plébisciter les légumineuses fourragères, à optimiser la conduite des troupeaux et la gestion des effluents. Mais rien sur ce consensus scientifique qui préconise de réduire le nombre d’animaux et de consommer moins de viande, en privilégiant les systèmes durables. Moins mais mieux : c’est le régime qu’ont commencé à adopter les Français, la consommation de viande refluant légèrement depuis deux ans. L’inflation pourrait avoir à cet égard un effet accélérateur. Moins mais mieux : c’est l’assemblage réalisé depuis des années par la filière viticole, au prix d’arrachages massifs et généreusement arrosés par l’UE, mais qui n’ont en rien liquidé la France viticole, premier exportateur mondial de vins et spiritueux et qui dispute à l’Italie et l’Espagne la place de premier producteur mondial de vin.

Le tabou de la réduction des cheptels

Pourquoi ne pas répliquer le modèle viticole à l’élevage ? Parce qu’en France, la réduction des cheptels est un sujet tabou, comme en atteste le non-dit de la SNBC. Ce n’est pas le cas aux Pays-Bas, petit pays en surface (1/13ème de la France) mais grand pays agricole et agroalimentaire (2ème exportateur mondial derrière les Etats-Unis). Les Pays-Bas viennent de trancher dans le vif, avec un objectif drastique de réduction de 30% de leur cheptel d’ici à 2030, assorti d’un plan d’accompagnement des éleveurs. Plutôt qu’un discours de vérité et des actes responsables, la France mise sur la décapitalisation à bas bruit du cheptel et sur l’hémorragie démographique des éleveurs, qui se débattent avec des aléas économiques et climatiques ainsi que des catastrophes sanitaires, telle l’influenza aviaire (en serrant les fesses pour que la peste porcine reste à nos frontières), le tout confinant parfois au drame humain. Comme si la nature faisait bien les choses.