Marc Fesneau : « La betterave sucrière a de l’avenir »

[Betteravenir 2023] En visite au salon de la betterave dans la Somme, le ministre de l’Agriculture a annoncé la prolongation du PNRI visant à lutter contre la jaunisse et assuré que les planteurs impactés cette année seraient indemnisés. La CGB est satisfaite mais reste en alerte sur le sujet des phytos et des importations de sucre ukrainien.

Chaussé de bottes, gadoue oblige, le ministre de l’Agriculture aura marqué de son empreinte son passage le 25 octobre à Betteravenir, le salon dédié à la betterave sucrière. « Un ministre qui vient sur un salon dédié à la betterave, le signal est fort », a relevé Franck Sander, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB).

Le ministre de l’Agriculture échangeant avec Franck Sander, président la CGB
Le ministre de l’Agriculture échangeant avec Franck Sander, président la CGB

Il faut dire que l’occasion ne se représentera pas de sitôt : la dernière édition avait eu lieu en 2016. Et si le terrain était gras, il était déminé. « Reconnaissons que 2022 et 2023 vont être de bonnes années en betterave, avec des rendements moyens corrects et de très bons prix », a concédé Franck Sander, tout en s’inquiétant du risque de voir entrer massivement du sucre ukrainien dans l’UE. « Au vu de ce qui se passe en Ukraine, je ne vois pas la France et l’UE fermer ses frontières au sucre, c’est une responsabilité collective. Mais à condition que le sucre ne fasse que transiter avant de rejoindre le Maghreb et l’Afrique et qu’il ne déséquilibre pas notre marché au motif de redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs ».

La 7ème édition de Betteravenir les 25 et 26 octobre à Berny-enSanterre dans la Somme, et dans la gadoue
La 7ème édition de Betteravenir les 25 et 26 octobre à Berny-enSanterre dans la Somme, et dans la gadoue

Les pucerons vecteurs de la jaunisse ont eu aussi la bonne idée de se faire discrets alors que la campagne 2023 était de nature à réveiller le spectre de 2020 : une chute de la production de près de 30% sous l’effet d’un rendement moyen le plus faible des deux décennies passées : 64,9t/ha. Car le 19 janvier 2023, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) mettait fin prématurément au dispositif dérogatoire institué par la France en décembre 2020, réintroduisant pour trois campagnes maximum (2021, 2022, 2023) et sous conditions l’usage de néonicotinoïdes en enrobé, définitivement bannis en France le 1er septembre 2018. Le puceron a bien cogné ici ou là, notamment en Eure-et-Loir, un artefact au plan national, la production étant annoncée en baisse de 0,7%, bien moindre que la sole (-5,7%).

Le ministre s’était engagé à indemniser les éventuelles pertes de récolte « sans franchise ni plafond », par opposition au dispositif mis en œuvre en 2020. « Nous serons au rendez-vous de l’engagement qui a été le mien de couvrir les risques sur la jaunisse », a réitéré Marc Fesneau à Betteravenir. Le dispositif sera dévoilé dans les semaines à venir et sera soumis à la règle des minimis plafonnant les aides à 20.000 euros sur trois exercices consécutifs. « On a la chance de pouvoir remettre les compteurs à zéro après la crise de 2020 », s’est satisfait Franck Sander, qui s’inquiète malgré tout des risques de dépassement chez certains planteurs.

Marc Fesneau a passé en revue quelques-uns des leviers les plus prometteurs pour lutter contre les pucerons vecteurs de la jaunisse
Marc Fesneau a passé en revue quelques-uns des leviers les plus prometteurs pour lutter contre les pucerons vecteurs de la jaunisse

Sur le front de la jaunisse, Betteravenir coïncidait avec la fin du Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) lancé en 2020, ouvrant un champ exploratoire à 360° de la recherche fondamentale et appliquée. « Je veux saluer l’engagement  de tous, c’est une démarche absolument exemplaire de ce que l’on peut faire quand une filière s’unit pour relever un défi un peu fou, résoudre en quelques années un problème face  à une impasse technique lie à la disparition d’un certain nombre de produits. On commence à avoir des pistes sérieuses de solutionsOn commence à avoir des pistes sérieuses de solutions », s’est réjoui le ministre passant en revue quelques-uns des leviers les plus prometteurs tels que la chasse au réservoirs viraux, la mise en œuvre de plantes compagnes ou encore l’application de répulsifs, sans oublier la génétique. « Pour la génétique et la sélection de variétés tolérantes ou résistantes, il faudra encore attendre quelques campagnes », a précisé Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture chez INRAE et coordinateur du comité de coordination technique du PNRI.

"Sans être la solution à tout, les NBT vont répondre à un certain nombre d’impasses techniques et climatiques"

Marc Fesneau en a profité pour évoquer les New breeding technologies (NBT, NGT en français). « La France est pour les NBT », a redit le ministre. Sans être la solution à tout, les NBT vont répondre à un certain nombre d’impasses techniques sur les ravageurs et les maladies et à des impasses liées au dérèglement climatique, car tout vient se combiner ». Franck Sander attend davantage de soutien public à la recherche génétique mais se satisfait de la reconduction du PNRI pour trois nouvelles années, comme annoncé par le ministre, sans en dévoiler les futurs contours.

Franck Sander, président la CGB : « Un ministre qui vient sur un salon dédié à la betterave, le signal est fort »
Franck Sander, président la CGB : « Un ministre qui vient sur un salon dédié à la betterave, le signal est fort »

Le ministre de l’Agriculture a été interpelé sur la question des « moyens de production » que sont les produits phytos, alors que plusieurs molécules sont dans le viseur du législateur. Marc Fesneau s’est voulu rassurant. « Pour chercher des alternatives, il faut bien identifier les situations où il y a des risques de retrait de molécule, pour des motifs de renouvellement à deux ou trois ans ou parce qu’il y a des études qui indiquent tel ou tel effet ». Traduction : ne pas reproduire l’attentisme qui a prévalu au retrait des néonicotinoïdes.

Après deux heures de déambulation, le ministre de l’Agriculture quittait la gadoue de Berny-en-Santerre pour la moquette du Sénat et évoquer le sujet du glyphosate. « J’ai une question d’actualité sur un sujet sympathique, le glyphosate, chaque jour suffit sa peine et ça m’embêterait de ne pas pouvoir y répondre. Et vous aussi peut-être », s’est-il excusé. Sous les applaudissements.