Un plan pour lutter contre le mal-être en agriculture

Des comités de pilotage départementaux seront chargés des coordonner tous les acteurs impliqués dans la prévention et la détection de la détresse. Les réseaux de sentinelles seront renforcés, tous comme les dispositifs financiers de remplacement et d’aide au répit. Pour le ministère de l’Agriculture, la reconquête de la valeur s’inscrit aussi en filigrane dans ce « combat ».

Après le rapport du député Olivier Damaisin (2020) et celui des sénateurs Françoise Férat et Henri Cabanel (2021), le gouvernement dévoile un plan destiné à conjurer le mal-être en agriculture, un secteur caractérisé par une surmortalité par suicide. Largement inspirée des rapports parlementaires et de travaux collectifs ayant donné lieu à de nombreuses consultations dans les territoires, la feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté repose sur trois axes principaux.

Des comités de pilotage dans chaque département

Les cellules d’accompagnement social, hébergées par la MSA et les cellules d’accompagnement économique, supervisées par les DDT, et actives dans la plupart des départements, vont laisser la place à des Comités de pilotage systématisés dans chaque département dès 2022. Chaque comité réunira l’ensemble des parties prenantes. « Les rapports parlementaires ont pointé le fait que les cellules existantes ne communiquaient pas suffisamment entre elles », explique le ministère de l’Agriculture.

"Les Comités de pilotage, c’est des moyens humains pour des réponses humaines "

Le Comité sera ouvert au maximum de parties prenantes volontaires (représentants du monde agricole, acteurs de la santé, coopératives, institutions financières, associations...). « C’est par une mobilisation collective au plus proche du terrain que l’on pourra s’assurer que le sujet est bien traité et que l’ensemble des acteurs est bien coordonné, dit-on au ministère. C’est des moyens humains pour des réponses humaines ».

Structurer les réseaux de sentinelles

Un deuxième axe du plan a pour objet de renforcer les réseaux de sentinelles, mis en place en 2018 par une trentaine d’organismes agricoles. Les sentinelles, ce sont des conseillers de Chambre d'agriculture, de centre de gestion, des inséminateurs, des techniciens de coopérative, des vétérinaires ou encore des préventeurs de la MSA. Ils ont en commun le fait d’être plus ou moins régulièrement et plus ou moins longuement au contact des agriculteurs. La promiscuité et la relation de confiance qu'ils nouent avec eux les placent dans le second cercle, après la famille, pour détecter les signaux dits faibles et potentiellement annonciateurs d'un passage à l'acte. Le feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté a pour objectif de renforcer et de structurer les réseaux de sentinelles et de former celles-ci.

Le plan acte par ailleurs le renforcement du dispositif Agri’écoute (09 69 39 29 19) de la MSA afin d’apporter une écoute professionnelle 24h/24 et 7 jours sur 7 par des écoutants diplômés et expérimentés. Le délai d’attente s’élève à moins de 5 sonneries (30 secondes) et un rappel est systématique en cas d’indisponibilité de prise de l’appel. A noter aussi l’existence du  « 3114 », numéro national de prévention du suicide mis en place par le ministère de la Santé.

Dans la continuité des Assises de la santé mentale qui se sont tenues en septembre dernier, le secteur agricole va aussi bénéficier d’une meilleure accessibilité aux soins médicaux-psychologiques.

Renforcer les dispositifs de soutien économique

Pour éviter de cumuler, autant que faire se peut, détresse psychologique et difficulté économique, les dispositifs de soutien financier sont renforcés. Trop peu sollicité, le dispositif départemental d’accompagnement économique des agriculteurs en difficulté est simplifié. L’accès à l’audit global pourra se faire pour les exploitations avec un taux d’endettement de 50 % contre 70 % aujourd’hui. L’audit sera financé par l’État à hauteur de 1 500 euros contre 800 euros actuellement. Les modalités de mise en œuvre du dispositif d’Aide à la relance de l’exploitation agricole (AREA) seront assouplies, notamment pour la condition de contribution propre d’au moins 25 % sur l’ensemble du coût du plan de restructuration. Au global, le budget de ces dispositifs passe de 3,5 à 7 millions d’euros par an. Le budget alloué à l’aide au répit, qui permet aux exploitants agricoles d’obtenir une solution de remplacement sur leur exploitation et aux salariés agricoles de prendre un temps de repos, est porté de 3,5 à 5 millions d’euros par an.

Le crédit d’impôt « remplacement » en cas de maladie ou d’accidents du travail, permettant à un exploitant de bénéficier d’aides en cas de recours à un employé agricole, sera porté à hauteur de 60 % des charges générées (salaire du remplaçant, surcoût matériel, frais de service, etc.) et prolongé jusqu’en 2024. Cette disposition est actuellement au vote dans le cadre du projet de loi finances pour 2022.

"La lutte contre le mal-être en agriculture est un combat collectif, qui engage chacun d’entre nous dans ses choix d’alimentation"

Au-delà de ces engagements sociaux et financiers, le ministère de l’Agriculture rappelle que « la lutte contre le mal-être en agriculture est un combat collectif, qui engage chacun d’entre nous dans ses choix d’alimentation ». Sans vouloir réduire la cause du mal-être à des contingences économiques, le ministère réitère son engagement pour la quête de valeur et de revenu, « la mère des batailles », citant les lois Egalim 1 et 2 ou encore la revalorisation des retraites les plus modestes, de l’ordre de 100 euros par mois, bénéficiant à 200 000 exploitants. Le ministère espère gratifier d’autant la retraite de 17 500 conjoints-collaborateurs dans le cadre d’un projet de loi en cours d’examen. La réforme de l’assurance-récolte, qui prendra forme début 2022, s’inscrit aussi dans ce registre.