Suicide : un vivier de 10 000 professionnels au service de la détection

Lancé il y a un an, le réseau Agri Sentinelles se dote d’un site internet destiné à sensibiliser, former et outiller les techniciens agricoles désireux de s’impliquer dans la détection de signaux et la prévention du suicide chez les agriculteurs.

Ils sont conseillers de Chambre d'agriculture, de centre de gestion, inséminateurs, techniciens de coopérative, vétérinaires ou encore préventeurs à la Mutualité sociale agricole. Leur point commun ? Ils sont au contact plus ou moins régulièrement et plus ou moins longuement avec des agriculteurs. La promiscuité et la relation de confiance qu'ils nouent avec eux les placent dans le second cercle, après la famille, pour détecter les signaux dits faibles et potentiellement annonciateurs d'un passage à l'acte. « Le suicide en agriculture est un phénomène endémique très ancien », rappelle Stéphane Devillers, responsable du service juridique chez Allice. « C'est un échec humain collectif. Avec Agri-Sentinelles, le monde agricole, collectivement, a décidé de passer à l'action au cœur des territoires ».

Passage à l'action

Il y a un an, dans la cadre d'un projet Casdar, 26 organismes agricoles fédérés autour de Coop de France et d'Allice ont décidé de sensibiliser ce vivier de 10 000 conseillers et techniciens à la détection du suicide : c'est le programme Agri Sentinelles, animé par l'Institut de l'élevage.

Attention : il ne s'agit pas de faire de chaque conseiller et technicien agricole un professionnel de la prévention. Cela, c'est bien évidemment le rôle des acteurs impliqués dans la prévention des risques psycho-sociaux, à savoir les psychologues, les assistants sociaux ou encore les conseillers agricoles spécialisés répertoriés au sein de la MSA, de Solidarité Paysans, des Chambres d'agriculture ou encore des DDT. « L'une des vertus du réseau Agri Sentinelles, via le site internet www.reseau-agri-sentinelles.fr, c'est justement de répertorier et d'identifier une liste de ces acteurs sociaux vers lesquels les professionnels agricoles peuvent orienter les agriculteurs identifiés comme étant en situation de fragilité », explique Elsa Delanoue, sociologue au sein des Instituts techniques agricoles.  « A ce jour, environ 270 professionnels de l'accompagnement des agriculteurs en difficulté figurent dans la base Agri-Sentinelles, avec leurs fiche contact, téléphone, mail et adresse, dûment renseignée, accessible aux techniciens et conseillers et bien évidemment aux agriculteurs eux-mêmes ».

Se déclarer volontaire, puis se former

Moyennant l'accord de leur employeur, les conseillers et techniciens désireux de s'impliquer, à leur niveau, dans la prévention du suicide, sont invités à s'inscrire sur le site internet du réseau Agri-Sentinelles. « Dans la foulée, ils auront la possibilité d'accéder à une formation destinée à identifier les situations difficiles, à adopter les bonnes attitudes et à orienter, si besoin, les agriculteurs vers un professionnel répertorié dans l'annuaire », explique Delphine Neumeister, chef de projet à l'Institut de l'élevage. Le réseau espère bien évidemment sensibiliser le maximum de sentinelles pour ne laisser aucun territoire et aucun agriculteur en dehors des radars. « Au sein de la Chambre d'agriculture du Cher, nous avons deux techniciens à temps plein sur cette problématique », déclare son président Etienne Gangneron. « Notre objectif est de rallier 30 techniciens sentinelles ». Le réseau constitué aujourd'hui de 26 organisations agricoles est bien évidemment ouvert à tout nouvel entrant. Leurs instigateurs ont notamment lancé un appel du pied aux réseaux bancaires.