Trouver un plan B pour la paille

Au vu des surfaces de céréales en net recul, l'année 2020 s'annonce compliquée pour les éleveurs en matière de paille. Tour d'horizon des alternatives, copeaux de bois et dolomie en tête, et retours d'expérience d'éleveurs.

« A l'automne, on sentait que la situation pour les céréales allait être catastrophique. Je me suis dit que c'était l'occasion d'essayer les copeaux de bois », relate Philippe Mériau, éleveur de blondes d'Aquitaine à Mauléon (Deux-Sèvres). De fait, la sole française de blé tendre est à son plus bas niveau depuis 10 ans. « Et les plantes sont plutôt courtes, avec des entre-nœuds faibles », fait part Didier Deleau, ingénieur fourrage chez Arvalis à Saint-Hilaire-en-Woëvre (Meuse). Loi du marché oblige, les prix risquent de flamber. Le contexte vient accélérer une réflexion déjà amorcée chez certains éleveurs en bovins, lait ou viande, pour trouver des alternatives pour la litière des animaux. Plusieurs solutions existent : se reporter sur d'autres pailles, par exemple le colza ou le maïs, voir sur une nouvelle culture, comme le miscanthus, du bois, ou encore de la dolomie, une matière minérale. Chacune possède des avantages et des inconvénients, à étudier selon le contexte de l'exploitation.

Le top : le pâturage

Pour Vincent Lambrecht, chargé de mission bovins viandes à la chambre d'agriculture des Pays de la Loire, la meilleure solution, « c'est le pâturage. On l'oublie trop souvent. Il faut se demander si on peut faire plus pâturer ». C'est l'une des solutions mises en œuvre par Benoît Josse, au Gaec des Sablais, à Saint-Anne-sur-Brivet (Loire-Atlantique). Installé en lait, en bio, avec 115 vaches laitières, il essaie de limiter au maximum le temps passé en bâtiment : les animaux y sont de mi-décembre à mi-mars. Il achète 60 tonnes de paille par an, chez un négociant. Autre solution porteuse en allaitant pour Vincent Lambrecht : la dolomie. « L'idée, c'est d'en mettre une couche de 10 à 20 cm partout, pendant l'été car il fait chaud et que les bâtiments sont souvent moins chargés. On met les animaux dessus, et quand la dolomie seule ne suffit plus, on paille par dessus. On peut économiser deux mois de paille, et lors de l'épandage du fumier, l'amendement est fait en même temps ».

Philippe Mériau, dans les Deux-Sèvres, l'a testé en 2017. Ses surfaces sont quasiment toutes en herbe, et il achète entre 150 et 180 tonnes de paille par an, à un marchand. Il y a trois ans, des difficultés d'approvisionnement le font se pencher sur la dolomie, pour un coût de 27 €/t rendu cours de ferme. A l'été, il l'a étalé au godet dans le bâtiment en une couche de 7 cm, épaisseur qu'on lui a conseillé. « J'ai tenu plus d'un mois, et ensuite j'ai paillé sur la dolomie », explique l'éleveur. Il a curé au bout de deux mois. « Elle assèche bien, et les litières chauffent très peu, c'était parfait pour les vêlages, analyse Philippe Mériau. L'idéal, c'est d'avoir des bâtiments aérés, pour qu'elle sèche bien. Il faut essayer, c'est pas cher, il n'y a aucun risque pour les bêtes, et cela fait de l'amendement ». Vu la situation cette année, il va peut-être en racheter. En attendant, il testera les copeaux de bois, seuls puis en sous-couche, avec de la paille au-dessus. Faits fin février, les 150 m² sont pour l'instant stockés dehors. « Mais quand je vais nettoyer le bâtiment, je vais les mettre dedans, car je trouve qu'ils ne sèchent pas bien », ajoute l'éleveur. L'abattage et le broyage lui ont coûté environ 20 €/m².

30% de paille en moins avec les copeaux de bois

En Loire-Atlantique, Benoît Josse a testé le bois plaquette pour ses génisses. Les chantiers sont réalisés par un prestataire, sur des arbres de la ferme. L'abattage est réalisé en octobre-novembre, et l'éleveur conseille six mois de séchage. « Le bois abattu en 2018 avait été broyé en août 2019, pour une utilisation hiver 2019-2020, témoigne l'éleveur. Après broyage, on l'avait mis dans la stabulation pour sécher, avant de mettre les animaux : cela faisait une couche de 30 cm. C'est trop épais, les plaquettes dessous n'ont pas été utilisées. L'idéal c'est une couche de 10 cm, et un stockage à part ». C'est ce que conseille Leslie Fruleux, conseillère en productions animales à la chambre d'agriculture de la Corrèze : « 10 cm maximum pour le premier apport. Et attention au stockage, important pour faire baisser le taux d'humidité ». D'après des essais Arvalis, le gain de paille peut être conséquent : « Sur jeunes bovins, avec une couche de 10 cm seule les dix premiers jours, et ensuite avec paille, avec un repaillage régulier, nous avons gagné 30% de quantité de paille », résume Didier Deleau.

Le bois et la dolomie sont deux alternatives intéressantes possibles, mais de nombreuses autres solutions existent, à commencer par les pailles d'autres cultures. Didier Deleau juge après étude la paille de colza « plutôt intéressante, sans impact sur le gain moyen quotidien, mais il faut en mettre un peu plus : 3,4 kg/j/JB pour le colza contre 3,1 kg pour le blé ». Quant à la paille de maïs, des observations sur génisses ont montré que le double de quantité était nécessaire par rapport à la paille de blé pour le même niveau de propreté. Et le matériel a tendance à souffrir car elle est très dure à presser. « La paille de maïs peut avoir un intérêt les années précoces s'il est possible de la récolter avec un fort taux de MS. Dans le cas contraire il y a un risque d'échauffement et de fermentation des bottes », précise Didier Deleau.

Leslie Fruleux évoque aussi la balle de riz, très absorbante, et nécessitant peu d'interventions. Enfin, concernant le miscanthus, s'il peut être probant dans certaines situations, des essais réalisés à la ferme expérimentale de Derval (Loire-Atlantique) ne sont pas convaincants. « Le coût d'implantation est trop important chez nous, cela fait une paille trop chère. Il faut les terres qui s'y prêtent », résume Vincent Lambrecht.