Engagement entre l’acheteur et le fournisseur

En novembre dernier, la Chambre d’agriculture organisait une formation intitulée « Restauration collective : répondre à un marché public ». Les participants ont défriché les contours des appels d’offres. D’autres sessions dans les départements normands sont programmées.

>> Quelle est la définition d’un marché public ?
C’est un contrat à titre onéreux entre un acheteur et un opérateur économique. L’acheteur peut, par exemple, être un collège, un lycée, un établissement pénitentiaire, un Ehpad. Il exprime ses besoins. L’opérateur économique doit prouver qu’il est en capacité d’y répondre et faire une offre. Le contrat établi est valable un an, reconductible trois fois. Comme pour tout contrat, le producteur s’engage à en respecter les termes (délais de livraison, tarifs, etc). Le but de la formation est de guider, pas à pas, les agriculteurs pour répondre à un appel d’offres de la restauration collective : où trouver les marchés, comment les décrypter et comment y répondre.

>> Par quoi avez-vous commencé ?
Nous avons eu une heure de formation à distance, le 3 novembre pour préparer les participants. Ils ont pu prendre connaissance, en autonomie, de différentes notions comme celle des statuts sanitaires. Par exemple, une cuisine centrale, qui élabore des repas en partie distribués en dehors de l’établissement, est agréée CE. La condition sine qua non pour l’approvisionner est que les fournisseurs le soient aussi. Nous avons aussi évoqué la loi Egalim. Elle prévoit, à partir de 2022, que sur 100 € HT dépensés en restauration collective, 20 € au moins seront pour des produits issus de l’AB, 30 € pour des produits sous signes officiels de qualité et d’origine (AOP/AOC, IGP, STG, Label Rouge…) ou encore pour des produits issus d’une exploitation labellisée HVE. Les 50 € restants ne sont pas fléchés. Ils peuvent servir à l’achat de produits locaux. Les politiques territoriales, comme celle de la Région « Je mange normand dans mon lycée », incitent à mettre des produits locaux dans les assiettes.

>> Les acheteurs ne peuvent pas, dans la rédaction de leurs appels d’offres, indiquer une origine géographique. Comment peuvent-ils privilégier les produits locaux ?
Il leur faut d’abord identifier leurs besoins. Ensuite, la Chambre peut leur proposer un sourcing précis de ce qui existe sur le territoire pour y répondre. C’est un gros travail d’information que nous menons depuis 2017, pour recenser les produits laitiers, carnés, légumiers dans un catalogue et le mettre à jour régulièrement. L’acheteur étudie les offres avant de rédiger son marché public. Une solution pour privilégier le local est de classer les produits par lots, en regroupant par exemple la crème et le beurre, ou bien en séparant les yaourts des œufs car, à date, aucun producteur local ne propose ces deux produits. Enfin, l’acheteur définit, dans la note globale, la part qu’il attribue au prix, à la qualité des produits, etc. Dans la rédaction de son appel d’offres, il peut choisir d’accorder 30 % d’importance à la qualité, tant de pour cent à des critères de développement durable et ainsi faire remonter les produits locaux dans la note globale.

>> Quand l’appel d’offres est rédigé, comment ça se passe pour les producteurs ?
Nous assurons, à la Chambre, une veille active sur les marchés publics. Si nous identifions un producteur capable de répondre à un lot, nous lui transférons les informations. Le producteur peut aussi être directement contacté par l’établissement. On encourage les exploitants à être en veille. Les appels d’offres sont publiés sur différents sites internet, dans les journaux locaux, par les établissements eux-mêmes. Suivant le montant total du marché, ils ont des obligations de publicité.

>> Ça paraît simple expliqué comme ça, mais la lourdeur administrative est souvent évoquée…
Quand un acheteur publie son marché, il existe un certain nombre de pièces et d’annexes à fournir. Concrètement, le producteur présente, d’une part, sa candidature par des données techniques et financières, pour rassurer l’acheteur. D’autre part, il présente son offre pour répondre aux besoins de l’acheteur par des fiches techniques sur les produits, des analyses, ses tarifs, etc. Le but est de démontrer comment il travaille. Un mémoire technique peut être demandé. Nous sommes là pour donner un coup de pouce et relire les réponses aux appels d’offres.

>> Quel(s) conseil(s) donnez-vous aux producteurs ?
D’abord, de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. La crise sanitaire que nous traversons montre bien qu’il est important de diversifier ses débouchés. Cela vaut aussi pour les périodes de vacances, même si la restauration hors domicile ne concerne pas que les établissements scolaires. Il faut raisonner les réponses aux marchés publics, ne pas y aller à tout prix, mais réfléchir au bénéfice de chiffre d’affaires généré. Répondre à un marché public permet de contractualiser pour quatre ans, maximum, et ainsi sécuriser une partie de ses débouchés. Deuxième message : il faut anticiper. Les appels d’offres sont rédigés avec une deadline de réponse. Le temps de consultation est souvent de trois semaines. On encourage les acheteurs à le rallonger à un mois. L’engagement est mutuel et, souvent, l’expérience en amont du marché vaut mieux qu’un dossier administratif.

Pratique
Informations et renseignements auprès de Stéphanie Barbier :
tél. 06 33 22 28 60 ; mail : stephanie.barbier@normandie.chambagri.fr
Prochaines sessions de formation : mardi 19 janvier à Sées (61) ; mardi 26 janvier à Hérouville-Saint-Clair (14) ; au printemps à Saint-Lô (50).

Béatrice Baldani
productrice de pommes de terre à Montfarville (50)
« Je suis installée depuis le 1er septembre. Je prévois de produire 80 t de pommes de terre par an, que je transforme en frites, cubes ou lamelles. Normalement, je les commercialise auprès des restaurants, mais avec la crise sanitaire, je cherche des nouveaux débouchés. C’est pourquoi j’ai participé à la formation répondre à un marché public. C’est quelque chose de très complexe, qui ne s’improvise pas. La formation a été très utile. Le plus difficile en matière d’appels d’offres est de bien cibler la demande, ce que l’on recherche. Il ne faut pas vouloir répondre à tout prix. On a vu lors de la formation qu’il faut compter son temps de production, celui de livraison et voir si cela correspond à nos attentes. Nous avons aussi complété des documents officiels, que Stéphanie Barbier nous a corrigés : c’est concret, nous pouvons les utiliser et répondre à des appels d’offres.
La Chambre surveille les marchés publics et nous informe de ceux auxquels nous pouvons répondre. Soit elle nous accompagne dans la rédaction soit elle nous corrige. C’est une grande aide. Grâce à la journée, j’ai découvert d’autres formations, comme celle sur la labellisation HVE. Je vais la suivre pour être labellisée, et entrer dans le cadre de la loi Egalim. »