Plus de perchlorate dans nos haricots ? Bruxelles dit oui !

le 4 avril dernier, la Commission européenne a autorisé la modification du règlement (2023/915) concernant les teneurs maximales en perchlorate - un polluant environnemental - dans les haricots non écossés. Un soulagement pour les maraîchers ?

Depuis 2006, la teneur maximale en perchlorate - un ion naturellement présent dans l’environnement ou qui résulte de l’activité humaine - était  fixée à 0,05 (mg/kg) par le règlement (UE) 2023/915 pour les fruits et légumes. À l’exception des cucurbitacés, des choux frisés, des fines herbes et des légumes-feuilles. À la demande de la Commission européenne, l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) s’était chargée d’enquêter sur la dangerosité de cet ion, considéré comme polluant. Après deux ans d’échantillonnage de milliers de denrées, elle a conclu en 2015 que “l'exposition chronique au perchlorate présenterait un risque potentiel pour la population, notamment pour les haricots (Phaseolus vulgaris) non écossés”. La présence de perchlorate sur ces légumes serait préoccupante pour la santé. 

La teneur maximale réévaluée à la hausse pour les haricots

Le 4 avril dernier, la Commission européenne est revenue sur sa position : la teneur maximale de perchlorate sera revue à la hausse. Dans son dernier règlement, la Commission européenne reconnaît que “la teneur maximale ne peut être respectée dans les haricots (...) non écossés dans de grandes zones de production de l’Union même lorsque de bonnes pratiques sont appliquées”. Ainsi “il est nécessaire d’augmenter la teneur maximale en perchlorate pour les haricots”.
Le règlement entrera en vigueur le 25 avril prochain. Toutefois, le nouveau taux maximal n’a pas encore été précisé.

Quel est l’intérêt pour la France  ? 

La France est la grande championne des fabaceae : elle est le premier producteur de haricots et de pois en Europe. La modification du règlement pourrait hypothétiquement inclure davantage de haricots sur le marché. Jusqu’à présent, les denrées alimentaires dont les taux de contaminants dépassent les limites maximales ne pouvaient être mises en vente. Force est de constater que l’omniprésence du perchlorate dans l'environnement rend son éradication difficile. Certaines pratiques favorisent sa concentration, telles que la culture sous serres ou sous abris, comme l’indique la recommandation (UE) 2015/682 de la Commission (les légumes ne bénéficieraient pas d’être lavés par l’eau de pluie) mais à ce jour, il n'existe pas  d'alternatives à grande échelle sur le territoire pour modifier ce type de production. 

Qu’est-ce que le perchlorate ?

Naturellement présents dans l’environnement, les différents perchlorates sont considérés comme un polluant environnemental, qu'ils proviennent d'activités industrielles ou de leur présence dans les engrais nitratés. Il est courant de les retrouver dans les fruits et légumes, en particulier dans les légumes verts, tels les haricots, en raison de l’irrigation avec de l’eau contaminée et/ou l’utilisation de fertilisants. Le perchlorate inquiète surtout quand il est détecté dans l’eau. Il peut être en partie responsable de la contamination des nappes phréatiques et de l’eau du robinet. En 2019, la métropole de Lille avait même recommandé de ne pas consommer l’eau courante pour les femmes enceintes et les nourrissons. 

Quels impacts sur la santé ?

En soi, le perchlorate ne présente pas de risques majeurs pour la santé et n’est pas considéré comme cancérigène. Toutefois, l’EFSA précise dans son rapport que l'exposition au chlorate au fil du temps (exposition chronique) peut inhiber l'absorption de l'iode. Elle indique également qu'une consommation élevée de chlorate sur une seule journée (exposition aiguë) pourrait être toxique pour les humains en limitant la capacité du sang à absorber l'oxygène et entraîner une insuffisance rénale. Les nourrissons sont vulnérables à l’exposition au perchlorate, de même que les enfants et les femmes enceintes souffrant d’une carence légère à modérée en iode. 

Contactée, l’EFSA informe que la Commission européenne lui a récemment demandé une réévaluation des risques pour la santé publique liés à la présence de perchlorate dans les aliments, compte tenu des nouvelles recherches et  informations depuis l'adoption de son précédent avis scientifique sur les risques liés au présence de perchlorate dans les aliments. La conclusion des travaux est attendue au printemps 2025.
Bien que les résultats des risques sanitaires ne soient pas encore publiés, la Commission européenne a donc adopté cette fois une approche compréhensive à l’égard des agriculteurs.
Peut-être un signe d’ouverture dans l’attitude de Bruxelles ?
 

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