Des clefs de lecture pour analyser la nutrition minérale

Les conditions pédoclimatiques sont à prendre en compte lors de l’identification des carences minérales. Alain Kleiber, ingénieur conseil au laboratoire Auréa AgroSciences, nous livre plusieurs clefs d’interprétation pour l’analyse de la nutrition minérale en vigne.

« Le végétal est un instrument très fiable, si tant est que l'on respecte les protocoles de prélèvements. La difficulté, c'est l'interprétation », annonce d'emblée Alain Kleiber, ingénieur conseil au laboratoire Auréa AgroSciences, lors d'une conférence le 26 novembre 2019 au Sitevi. Il était venu présenter quelques clés de lecture permettant d'interpréter les analyses de nutrition minérale de la vigne.  

« L'analyse de sol va vous donner une disponibilité de l'élément ; le végétal va vous donner une présence de l'élément, mais la question qu'il faut se poser, c'est : quels facteurs conditionnent le passage de l'élément minéral du sol vers le végétal ? », demande-t-il. Pour illustrer son propos, il cite une étude portant sur l'assimilation du phosphore par les feuilles de vigne. Selon cette étude, les réserves en phosphore du sol ne représentent que 7% de la présence du phosphore dans les feuilles. « Cela signifie qu'avoir du phosphore dans le sol n'est pas suffisant pour s'assurer d'avoir du phosphore dans le végétal », précise alain Kleiber. En revanche, la nature du sol (granulométrie, texture, pH) et la richesse du sol en mycorhizes, expliqueraient respectivement 63% et 91% de la présence de phosphore dans les feuilles de vigne.

« Tous les facteurs qui vont limiter la vie organobiologique autour des racines, comme le manque de porosité, le manque d'oxygène, le tassement, l'excès d'eau, l'excès de cuivre, etc., vont avoir un impact sur le fonctionnement de la rhizosphère », explique l'expert. « Avec une stricte analyse minérale, on n'arrivera jamais à déterminer la réalité de l'efficacité du phosphore présent dans le sol pour la nutrition, simplement parce que cela passe forcément par un aspect vivant et biologique, poursuit-il. La nutrition minérale, c'est en fait la capacité de la rhizosphère à assimiler les nutriments minéraux ». Inutile donc de parler de nutrition minérale sans parler de la vie microbiologique du sol. 

L'eau, facteur déterminant

Outre les dysfonctionnements de la rhizosphère, le déficit hydrique est l'un des facteurs déterminants pour l'assimilation des minéraux par les plantes. « Toute la nutrition minérale est impactée par le stress hydrique, mais certains éléments le sont plus que d'autres », indique Alain Kleiber. Parmi eux : le potassium, le manganèse et le bore, dont une grosse partie de leur assimilation se fait en période estivale, au moment où la disponibilité en eau est moindre. « On estime que de 70 à 80% de la présence de potassium, de manganèse et de bore dans le végétal s'explique par le facteur hydrique », précise-t-il. L'azote et le soufre sont, eux, peu impactés par le stress hydrique car une grosse partie de leur assimilation est précoce (avant l'été). Prendre en compte le vent est également important dans l'analyse de la nutrition des plantes. « On l'oublie souvent, mais les périodes venteuses, en fermant les stomates, ont le même impact que le manque d'eau », fait savoir Alain Kleiber.

Prendre en compte les écarts thermiques

Autre facteur à avoir en tête pour l'analyse du végétal : les écarts de température. « En cas de gros écarts thermiques, qui arrivent souvent pendant les périodes orageuses, le magnésium ne migre plus dans le végétal », donne comme exemple Alain Kleiber. Sur ces périodes-là, les moyens d'actions passent par des engrais foliaires. Le fer est également impacté par les amplitudes thermiques. « Il n'y a pas besoin de faire des analyses pour savoir que dans les feuilles de vigne début juillet, si les mois de mai et juin ont connu d'importants écarts de température, il y aura moins de magnésium et de fer », note-t-il.

Au final, les deux éléments qui apparaissent les plus sensibles à tout stress hydrique, pH ou autres déséquilibres sont le magnésium et le fer. « C'est d'ailleurs les deux éléments qui posent le plus de problèmes en viticulture », indique l'expert, faisant ainsi se rejoindre (heureusement !) les approches bibliographiques avec les observations du terrain.