Glyphosate : 1974-2020

Le Gouvernement a décidé de mettre fin aux principaux usages du glyphosate d’ici au 1er janvier 2021 et au 1er janvier 2023 pour l’ensemble des usages. Le cadre réglementaire n’est pas encore fixé. Des sursis ne sont pas à exclure mais ne sont pas acquis.

Le compte-à-rebours est enclenché. La preuve ? Le 13 novembre 2019, dans un rapport d'étape de la Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, les co-rapporteurs Jean-Luc Fugit et Jean-Baptiste Moreau, députés LREM, rappellent la consigne qui leur a été donnée par le Préfet coordinateur de la « Task Force » mise en place en 2018 pour sortir du glyphosate :  « face à chaque acteur, la Mission a exprimé une exigence : réaffirmer que l'année 2020 sera la dernière pour une majorité des usages du glyphosate et qu'il faut que tous l'acceptent. Mais cette exigence est conduite avec bienveillance, dans un souci de réalisme ».

30 juin 2020 

Toujours dans ce rapport d'étape, les deux co-rapporteurs demandent en retour au gouvernement qu'« il clarifie son message à l'égard des agriculteurs (...). Quels seront les usages qui bénéficieront d'une dérogation au 1er janvier 2021 et quelles en seront les conséquences réglementaires ou législatives ? ».

En outre, le rapport d'étape de la Mission demande à ce que l'Inra et les instituts techniques fassent savoir, avant le 30 juin 2020, les situations (culturales et pédoclimatiques) qui ne pourront supporter un arrêt du glyphosate dès le 1er janvier 2021 « sans menacer la survie de l'exploitation, ni son environnement, ainsi que les délais qu'il faut raisonnablement envisager pour préparer leur sortie définitive, avec une justification technique de chacune de ces exceptions et une révision annuelle des critères de dérogation » (situations et délais).

Cette requête, en fonction des réponses qui seront formulées d'une part et de leur prise en compte, ou non, par les pouvoirs publics d'autre part, entrouvre théoriquement la voie à l'adoption de reports circonstanciés.

Sorti en 1974, classé cancérogène probable en 2015

Issu de la recherche de Monsanto, le glyphosate a obtenu sa première Autorisation de mise sur le marché́ (AMM) en France en 1974 avec le Roundup. Le brevet est tombé dans le domaine public en 2000. 

Le 20 mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l'agence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) chargée d'inventorier et de classer les substances cancérogènes, déclare le glyphosate génotoxique (altération de l'ADN), cancérogène pour l'animal et cancérogène probable pour l'homme.

Le 12 novembre 2015, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) rend un avis favorable au maintien sur le marché, tandis que le 15 mars 2017, l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) annonce ne pas classer le glyphosate comme agent cancérogène.

2017, le Tweet du Président

Le 27 novembre 2017, six mois après son élection, Emmanuel Macron twitte : « j'ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l'utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que les alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans ». Le président de la République réagissait ainsi à la décision d'une majorité de pays membres de l'UE (18 sur 28) de proroger la licence du glyphosate pour cinq années supplémentaires, soit jusqu'à fin 2022, la France ayant voté contre la ré-homologation.

Le 22 juin 2018, le Gouvernement présente son plan de sortie du glyphosate, réaffirmant les échéances précitées. L'animation et le suivi du plan sont confiés à une « Task Force » pilotée par les ministères de l'Agriculture et de la Transition écologique, avec l'appui de l'Inra, de l'Acta et de l'APCA. La Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate en est une émanation.

Le 30 octobre 2018, la loi EGAlim est votée mais le calendrier et les modalités de retrait du glyphosate sont exclus du champ de la loi, au grand dam des partisans du retrait de l'herbicide. Quelques mois auparavant, en mai 2018, le président de la République avait averti qu'il prendrait ses « responsabilités » : « il y aura un point de rendez-vous et si les choses n'avancent pas dans trois ans, on passera par la loi », avait-il affirmé.

Le 24 janvier 2019, dans le cadre d'un débat-citoyen dans la Drôme, il déclare : « je sais qu'il y en a qui voudraient qu'on interdise tout du jour au lendemain. Je vous dis : un, pas faisable et ça tuerait notre agriculture. Et même en trois ans on ne fera pas 100%, on n'y arrivera, je pense, pas ».

2020, l'heure des comptes

Le 30 novembre 2017, trois jours après le Tweet du président de la République et trois semaines après la saisine de quatre ministères (agriculture, écologie, santé, recherche), l'Inra publie un rapport express de 88 pages sur les usages du glyphosate et les alternatives applicables en France. Les cas d'impasse ou de difficulté sont pointés pour l'agriculture de conservation (environ 500 000 hectares), la production de semence (380 000 hectares dont 70 700 hectares jugés « délicats »), les légumes frais de conserve de plein champ avec risque de présence de fragments issus d'adventices toxiques (203 500 hectares), le rouissage du lin fibre (88 000 hectares) et la récolte des fruits à coque (19 000 hectares), les zones difficiles (terrasses, zones très caillouteuses, zones sujettes à l'érosion), non chiffrées.

La somme de ces cas problématiques représente moins de 10% de la SAU française. Mais s'agissant des 90% restants, la Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, toujours dans son rapport du 13 novembre 2019, relève, non sans à-propos, qu'« entre une alternative identifiée ou mise au point par l'Inra et son application sur le terrain, dont les instituts techniques se font les relais et les développeurs, plusieurs années peuvent s'écouler. Les techniques ne sont pas toutes parvenues au même degré de maturité et le transfert des connaissances est long ». Une telle assertion serait aussi de nature à reconsidérer le calendrier au cas par cas.

Le 7 janvier 2020, un communiqué commun des ministères de l'Agriculture, de la Transition écologique, de la Santé et de la Recherche, fait état d'un premier chiffrage : l'Inra évalue à environ 250 €/ha le surcoût moyen du désherbage mécanique en viticulture, soit, en moyenne, 7% de l'excédent brut d'exploitation (EBE), variant entre 5 et 11,5% de l'EBE en fonction des bassins et du type d'exploitations. « L'impact économique d'un retrait du glyphosate sera évalué pour les autres filières » précise le communiqué. A titre indicatif, en grandes cultures, un passage de glyphosate en plein revient à environ 12 €/ha, 20 €/ha en incluant le matériel et la main d'œuvre.

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