Se lancer en agriculture de conservation des sols (ACS)

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Aux origines de l’ACS : préserver les sols de l’érosion

Sous nos pieds repose une ressource essentielle à l’écosystème naturel de la vie sur terre et au développement de l’agriculture en particulier : le sol. Son fonctionnement reste relativement méconnu car à l’échelle d’une agriculture plurimillénaire, la prise de conscience face aux réalités de l’érosion des sols et de la diminution de leur fertilité est relativement récente.

Alors que des milliers d’années ont été nécessaires à sa composition et à sa structuration au gré de processus naturels pour devenir une terre arable et donc cultivable, les spécialistes observent depuis plusieurs décennies une inquiétante accélération de la dégradation de ce capital inestimable.

Ainsi, la FAO estime dans un rapport de 2015 que chaque année dans le monde, ce ne sont pas moins de 20 à 30 milliards de tonnes de sols arables qui sont érodées par l'eau, 5 milliards par le labour et 2 milliards par le vent. Si cette tendance se confirmait, la production agricole mondiale diminuerait de 10% d'ici 2050. C’est à l’aune de ces enjeux que l’ACS trouve ses racines.

Le déclic du « dust bowl »

Tout débute aux États-Unis dans les années 1930, où les « farmers », déjà très mécanisés, sont les premiers à subir les conséquences d’un travail du sol intensif combiné à des événements climatiques parfois extrêmes : les fameux « dust bowl », ces tempêtes de poussière qui ont détruit les cultures, arraché les sols et enseveli sous la poussière champs, matériels agricoles et bâtiments. Le tribut à payer est très lourd et de nombreux agriculteurs ne s’en relèveront jamais. La gravité de cette situation permet de prendre conscience d’une réalité agronomique : loin d’être un simple support pour les cultures, le sol est surtout un système vivant à préserver.

Dust Bowl, South Dakota 1936 (Crédits photo : Kristine - httpscreativecommons.orglicensesby-nc2.0)

Démocratisation du semis direct

Cette prise de conscience s’accompagne rapidement d’une évolution des pratiques agricoles au pays de l’oncle Sam : dès les années 1950 de nouvelles techniques voient le jour. Le labour est délaissé au profit du semis direct qui s’opère directement au travers de couverts végétaux déjà en place sur la parcelle et dont le salissement par les adventices est maîtrisé par l’utilisation d’herbicides. La mise en place de cette nouvelle approche favorisant un travail du sol minimal va contribuer directement à une réduction radicale de l’érosion des terres agricoles aux Etats-Unis.

Ces résultats significatifs vont progressivement enclencher une véritable « révolution » agronomique s’inspirant du fonctionnement naturel du sol et de la nature en général. Que ce soit en agriculture biologique ou conventionnelle, les « modèles » agricoles prennent aujourd’hui en compte tout ou partie, selon leurs objectifs respectifs, de ces leviers déterminants.

Diminution des terres à nu

En France, la proportion de grandes cultures semées sans labour est passée de 21% en 2001 à 34% en 2006, pour atteindre 47% en 2017 (source : Agreste 2020). Une tendance croissante continue qui démontre bien une évolution réelle dans l’intégration des connaissances agronomiques aux pratiques culturales actuelles.

Volontaire ou contrainte par de nouvelles règles environnementales, la diminution des terres à nu est une réalité qui permet l’expérimentation et l’essor de nombreuses techniques : semis direct, non labour, cultures associées ou sous couverts, techniques culturales simplifiées (TCS), etc. Peut-être pratiquez-vous déjà l’une ou plusieurs d’entre-elles ?  Certaines sont des composantes essentielles à l’agriculture de conservation des sols. Nous vous proposons d’approfondir ensemble les fondamentaux de ce système cultural encore révolutionnaire pour certains.

Avoir un sol toujours couvert est l'un des principes majeurs de l'agriculture de conservation des sols (©Pleinchamp)

[Témoignages] Se lancer en ACS : quel déclic ?

Les raisons pour se lancer dans l’agriculture de conservation des sols sont multiples : économiques, techniques, sociologiques… elles dépendent du contexte de chaque exploitation.

  • Florian Rabillé, agriculteur en Vendée :

« Certaines de nos parcelles en calcaire étaient évidement pleine de pierres : tous les ans la casse matérielle était systématique lors des labours ou des travaux du sol… Chaque hiver c’était la corvée d’épierrage. Un jour j’en ai eu marre, je me suis demandé quel était le sens de tout cela, je me suis aperçu que le labour détruisait la vie des vers de terre et autre microfaune de mes sols. J’ai alors souhaité changer ma manière de travailler. »

  • Jean-Michel Dramard, agriculteur en Essonne :

« Pendant près de vingt ans, j’ai travaillé mes terres en agriculture conventionnelle, travail du sol, labour puis semis. Il n’y avait pas d’autres méthodes plus sûres pour garantir une bonne récolte. Puis les prix d’achats de céréales ont commencé à baisser, mais les charges continuaient d’augmenter. Il fallait donc réduire les coûts de production et retrouver une meilleure rentabilité, moins de charges de matériel et surtout retrouver un sol plus vivant. »

  • Frédéric Remy, chef de culture dans le Val d’Oise :

« A mon arrivée sur la ferme en 2008, j’ai été confronté à des problèmes de salissement et de fertilité sur les parcelles du domaine. Suite à divers échanges et formations, j’ai découvert que l’on pouvait envisager une stratégie durable de maîtrise des adventices par une gestion globale et méthodique de l’assolement des cultures, des couverts végétaux ainsi que par l’allongement des rotations : la flore adventice pouvait être maitrisée tout en améliorant la vie et la fertilité des sols Il ne m’en fallait pas plus pour commencer ! »

 

>> Cliquez ici pour accéder au chapitre 2 : "L’ACS : au-delà du non labour, une combinaison de solutions agronomiques indissociables"

 

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