Se lancer en agriculture de conservation des sols (ACS)

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Diversification de l’assolement et allongements des rotations : les clés de voûtes de l’ACS

La diversité des cultures et des couverts constitue le troisième pilier de l’agriculture de conservation des sols : en favorisant la biodiversité végétale, vous optimiserez le fonctionnement naturel de votre sol et l’équilibre vivant de son écosystème.

Par sa capacité à séquestrer dans le sol le carbone présent dans l’air, la diversité végétale est également une solution clé dans la lutte contre le réchauffement climatique. Combinée à un allongement de vos rotations, la diversité des espèces implantées se révèle également un atout majeur pour la gestion du salissement de vos parcelles. En effet, la succession et l’alternance entre des cultures et des couverts diversifiés casse le cycle des adventices et perturbe ainsi leur spécialisation au sein de vos parcelles. « Une rotation longue et variée est la première règle qu’un agriculteur devrait respecter s’il souhaite gérer sereinement ses problématiques de salissement », estime Frédéric Thomas, agriculteur pionnier de l’ACS.

Cette gestion réfléchie de la rotation contribue également à une réduction significative de l’utilisation d’herbicides. « La diversité des cultures et des couverts sur une rotation longue couvre toutes les périodes de levées des adventices pour mieux les perturber. Cela permet d’alterner les modes d’action et donc de réduire les applications d’herbicides », souligne Fréderic Remy, chef de culture dans le Val d’Oise. L’alternance de plantes hôtes et non hôtes pour les ravageurs des cultures contribue également à une baisse de l’usage des insecticides et fongicides : en perturbant le cycle de vie de cette faune, la pression phytosanitaire est réduite.  

"L’ACS est aussi une agriculture d’opportunité"

D’une manière générale, la diversification ainsi que la rotation des cultures et des couverts doivent être pensées globalement et de manière pragmatique. Là encore, il n’y a pas de schéma type mais des solutions à construire et à adapter à votre contexte pédoclimatique local et à vos objectifs agronomiques. Certaines cultures seront appelées à disparaître car peu adaptées, d’autres à apparaître pour allonger et diversifier la rotation.

« L’ACS est aussi une agriculture d’opportunité, indique-t-on à l’Apad. Réaliser des doubles cultures, mélanger les espèces et variétés, semer des couverts relais, conserver en culture un beau couvert, semer un couvert dans une culture, etc., sont autant d’opportunités que l’agriculteur doit saisir pour optimiser la photosynthèse, donc améliorer le fonctionnement du sol et également le volet économique de son système ».

Un apprentissage chronophage

Tout système en phase avec le vivant est un défi permanent et l’ACS n’en manque pas ! A commencer par la maîtrise des rotations et des couverts végétaux qui, comme nous l’avons vu précédemment, implique une mobilisation d’apprentissage chronophage et pas toujours compatible avec les impératifs économiques et humains du court-terme. Au-delà du temps nécessaire à la nature pour régénérer l’équilibre des sols, le partage et la capitalisation des expériences qui se développent depuis peu pourraient réduire significativement la durée consacrée à la phase de transition.

Autre problématique à résoudre : la présence de certains ravageurs tels que les campagnols et limaces, qui trouvent refuge dans l’épaisseur et l’humidité des paillages formés par les couverts végétaux. Plusieurs pistes sont actuellement expérimentées : bio-régulation par des prédateurs naturels, décalage ou associations de semis.

Le défi du désherbage

La maîtrise de l’enherbement reste le dossier le plus épineux pour les prochaines années. En l’absence de travail du sol, la gestion de la flore adventice repose essentiellement sur l’allongement des rotations et la diversité des couverts et cultures implantés. Une technique qui, une fois maîtrisée, s’avère naturellement très efficace puisqu’elle empêche la germination des adventices. Néanmoins, les phases d’expérimentations indispensables aux phases de transition et de progression peuvent nécessiter des rattrapages avec l’utilisation en dernier recours d’herbicides chimiques. La réduction des molécules disponibles sur le marché ainsi que l’interdiction annoncée du glyphosate pourraient donc opposer un frein potentiel au développement de l’ACS. A ce jour, aucune alternative réellement efficiente n’est disponible mais de nombreuses expérimentations sont actuellement en cours.

La technique du couvert permanent (ici, de luzerne) pour maîtriser l'enherbement est expérimentée par certains agriculteurs (©Pleinchamp)

Essayer, s’améliorer… recommencer !

Comme nous l’avons évoqué précédemment, il n’existe pas de recette miracle et votre démarche doit être adaptée à votre à contexte agronomique et à vos objectifs technico-économiques qui évolueront dans le temps.

« Il n’y a pas de mauvais sol pour commencer l’ACS, estime Gaëtan Bouchot, agriculteur ACS en Haute-Marne. On peut la pratiquer sur presque tous même s’il est vrai que certaines conditions pédo-climatiques peuvent compliquer la transition ». C’est pourquoi il est conseillé de mettre en place votre plan d’action progressivement en commençant par mobiliser des surfaces raisonnables. L’Apad recommande de débuter sur une surface maximale n’excédant pas 10 % de la SAU afin de sécuriser votre transition. Si cette surface vous semble encore trop importante, vous pouvez tout simplement réaliser vos essais sur quelques bandes avec l’avantage de pouvoir comparer les résultats de deux systèmes différents au sein d’une même parcelle. 

Vous pourrez donc tester et évaluer progressivement les différents schémas et solutions envisagés pour votre sol tout en limitant leurs conséquences s’ils s’avèrent non concluants. Car il s’agit bien d’essayer pour avancer : « analyser pourquoi tel ou tel essai a échoué est tout aussi intéressant, voire plus, que de partager ses réussites », souligne François Mandin, agriculteur en Vendée et président de l’Apad. Cette expérience de terrain est essentielle pour vous approprier vos propres techniques puis les affiner à mesure des résultats observés et analysés.

 

>> Cliquez ici pour accéder au chapitre 8 : "3 questions à Michel Schietequatte, directeur de Maschio Gaspardo France"

 

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