Se lancer en agriculture de conservation des sols (ACS)

Partie 3/9

Préparer sa transition vers l’ACS

Pourquoi se tourner vers l’ACS ? Le choix de faire évoluer son système de culture implique une remise en question totale de ses repères agronomiques et socio-économiques acquis jusque-là. Cela est d’autant plus vrai que l’ACS ne propose pas un modèle unique mais bien une approche du vivant sur le long terme qui doit être adaptée à chaque contexte pédoclimatique, selon vos propres objectifs. Une transition réussie passe préalablement par l’appropriation de nouvelles références sur la durée. Il est donc nécessaire de procéder par étapes en préparant le terrain… tant sur le plan technique que sur le plan humain.

Se lancer en agriculture de conservation des sols (ACS) : témoignage

Les pionniers de l’ACS en témoignent très souvent : débuter sa transition c’est d’abord se lancer dans l’inconnu mais surtout s’exposer aux regards des autres et à l’incompréhension de ses pairs. L’héritage culturel du labour est encore bien présent : visuellement, une terre à nu sans aucun résidu de culture à sa surface est souvent considérée comme « propre » et associée au professionnalisme de l’agriculteur. A l’inverse, une parcelle comportant des débris végétaux ou des couverts en décomposition sera assimilée à un travail paresseux et négligeant qui contribue directement à un salissement supposé du sol par des adventices.

Agriculteur en polyculture depuis 30 ans en Essonne, Jean-Michel Dramard a enclenché sa conversion en 2012. « Lors de mes premières années de conversion, mes voisins se sont demandés ce qui avait bien pu me passer par la tête au regard de la physionomie apparente de mes parcelles », se souvient-il. Une situation pas toujours facile à vivre et qui peut semer le doute pour de nombreux débutants en ACS alors que la phase de transition est déjà délicate à gérer techniquement.

Changer de logiciel psychologique

« En conversion ACS, le premier frein est avant tout dans la tête de l’agriculteur : est-il vraiment prêt psychologiquement à changer sa façon de travailler ? », indique Antonio Pereira, conseiller à la Chambre d’agriculture de Haute-Marne. Le conseiller souligne également la pression à supporter dans le cadre d’une exploitation familiale : « Quand le fils d’un agriculteur manifeste sa volonté de travailler autrement, il peut se heurter à un blocage de ce dernier. Soit par méconnaissance de l’ACS, soit par crainte de voir son enfant échouer et se décourager face aux exigences de ce type de conduite culturale. »

C’est pour éviter ce type de scénario que Florian Rabillé a souhaité attendre le départ en retraite de son père avant d’entamer sa conversion. Agriculteur en Vendée, il s’est installé en rejoignant le Gaec familial il y a 8 ans et évoque l’importance du facteur humain et familial : « J’avais conscience que sur l’approche du sol, un conflit générationnel nous opposerait inéluctablement. J’ai préféré attendre pour préserver notre relation familiale et m’affranchir des tensions qui auraient nuit à mon engagement dans cette démarche », témoigne-t-il.

La dimension psychologique est donc un facteur essentiel à la réussite d’une transition sereine. Pour l’Apad, le premier frein à lever en ACS est « finalement plus sociologique que technique ». L’association évoque les « nombreux témoignages d’agriculteurs (qui) expriment cette difficulté d’être incompris par leur entourage » et souligne l’importance de bien s’y préparer en amont. Vous l’aurez compris, votre projet doit être suffisamment mûri et réfléchi pour surmonter les périodes de doutes en toute confiance : le mental, c’est important !   

Se faire accompagner et se former

A la différence des pionniers précurseurs de l’ACS en France qui ont parfois « essuyé les plâtres » par manque de considération, d’accompagnement ou de connaissances adaptées, il est heureusement plus facile aujourd’hui de dépasser sereinement ce sentiment d’incompréhension et d’isolement technique. Les retours et les partages d’expériences se sont en effet considérablement développés et contribuent activement à élargir le débat et à répondre aux agriculteurs qui s’interrogent sur la vie de leur sol.

Pour vous accompagner et vous former, de nombreuses initiatives se sont désormais structurées. Vous ne serez donc pas seul pour faire vos premiers pas vers l’agriculture de conservation des sols.

« Se faire accompagner est le premier investissement à considérer, pour garantir une conversion réussie en ACS, estime Antonio Pereira. Un agriculteur qui souhaite se lancer doit savoir s’entourer et ne pas hésiter à rencontrer ou contacter d’autres agriculteurs, agronomes ou techniciens qui ont du recul dans ce domaine ». Le technicien, qui accompagne une centaine d’agriculteurs en Haute-Marne, insiste également sur la formation et sa dimension collective pour apprendre, redécouvrir l’agronomie des sols et progresser de manière régulière et continue.

Une aventure collective

« C’est grâce à des réunions techniques en bout de champ chez mes voisins que j’ai découvert les principes puis les bénéfices de l’ACS mais également les pièges ou erreurs possibles à éviter, confirme Florian Rabillé. Cela a été essentiel pour construire ma réflexion et me lancer ». De nombreuses opportunités d’échanges et de formations dédiées ont ainsi vu le jour via des associations, des Chambres d’agricultures, des agriculteurs-formateurs ou encore des cabinet d’agronomie privés.

Pour devenir le pilote de votre sol, vous pouvez contacter ces acteurs. Des associations comme l’Apad, Sol&Co, Sol Agronomie (liste non exhaustive) ainsi que les Chambres d’agriculture sont un point de départ incontournable. Si les formations de terrain et les tours de plaine sont de loin des expériences concrètes et enrichissantes, ne négligez pas pour autant les bases théoriques pour nourrir la compréhension de votre sol : cours, littérature spécialisée et séminaires viendront compléter et faire progresser votre approche de la vie du sol. Vous trouverez également sur le web de précieuses sources d’informations et de nombreux sites internet dédiés à l’ACS.

A l’image d’un sol vivant qui évolue dans le temps, votre curiosité et votre apprentissage doivent rester en éveil permanent.

 

>> Cliquez ici pour accéder au chapitre 4 : "Connaître son sol pour évaluer son potentiel de départ"

 

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