[Med’Agri] « Flavescence : intraitable sur la prospection et l’arrachage des souches contaminées »

La maladie transmise par les cicadelles demeure un fléau incurable. Le point sur les techniques de lutte contre le vecteur, notamment en bio, avec Nicolas Constant, ingénieur conseil viticole à SudVinBio.

Quelles sont les bases de la lutte contre la flavescence dorée ?

Nicolas Constant : "en bio comme en conventionnel, la lutte repose sur trois piliers. Il faut commencer par implanter du matériel végétal sain traité à l'eau chaude. Il faut participer activement aux dispositifs collectifs de prospection, ce qui comprend l'observation des souches et l'arrachage éventuel. Il faut enfin maitriser les populations des cicadelles vectrices de la maladie, ce qui passe principalement par les traitements insecticides avec une qualité d'application irréprochable, mais aussi par l'épamprage."

La flavescence dorée est-elle sous contrôle ?

N.C. :"la maladie continue de progresser. La détection de foyers est quelque part proportionnelle aux moyens mis en œuvre. Plus on y met de moyen et plus on s'écarte des zones potentiellement infectées, plus on est susceptible de découvrir de nouveaux foyers. Nous allons devoir vivre avec la flavescence pendant de longues années."

Quelle est l'efficacité des traitements au pyrèthre naturel ?

N.C. :"l'efficacité peut atteindre 85 % en bio contre 100 % en conventionnel. Pour éliminer tout risque, il faut zéro cicadelle, ce que l'on n'obtient pas avec un taux de 85 % de d'efficacité, on n'est pas à zéro cicadelle. On a demandé à des entomologistes quel serait le pourcentage de population susceptible d'engendrer une contamination. Il n'y a pas de réponse toute faite.  Cela varie d'un cépage à l'autre, certains exprimant plus que d'autres la maladie. Un cépage très sensible peut sans doute être contaminé par une seule piqure de cicadelle infectée. Sur un cépage plus tolérant, il faudra peut-être que la cicadelle pique plusieurs fois ou qu'il y ait plusieurs cicadelles. En bio, il faut être intraitable sur prospection et l'arrachage des souches contaminées car on a une fragilité sur la partie insecticide. On continue de chercher des solutions complémentaires au Pyrévert / Greenpy car on ne se satisfait pas de ce taux de 85 %."

Qu'en est-il de l'huile essentielle d'orange douce ?

N.C. :"des spécialités à base d'huile essentielle d'orange douce sont homologuées contre les cicadelles mais leur efficacité n'a pas été prouvée contre Scaphoideus Titanus. En conséquence, leur usage reste interdit par le cadre de la lutte obligatoire. En dehors de ce contexte, elles peuvent agir en complément des traitements à base de pyrèthres naturels."

Quelles sont les autres solutions explorées ?

N.C. :"on n'a pas de solutions tangibles à court terme, on explore des pistes telles que l'aspiration, le nettoyage haute pression, c'est très expérimental et rien d'opérationnel, rien de nouveau pour 2019. La confusion vibratoire fait l'objet de teste en Italie."

Quel est l'impact concret en termes d'arrachage ou de perte de production ?

N.C. : "en grande majorité, les arrachages sont circonscrits à des souches isolées. Mais on déplore malheureusement des arrachages massifs amputant certaines exploitations de 15 à 25 ha dans les cas les plus critiques."

Enregistre-t-on des déconversions pour cause de flavescence ?

N.C. :"c'est très compliqué d'avoir des chiffres. Au niveau de l'observatoire officiel en Occitanie, on a recensé au total une centaine de déconversisons mais très majoritairement pour des raisons administratives. Elles concernent des producteurs ne souhaitant plus se faire certifier à l'approche de la retraite par exemple ou qui estiment pouvoir se passer du logo."

Comment jauger le risque d'une conversion par rapport à la flavescence ?

N.C. :"l'important c'est de connaître sa situation de départ en termes de population de cicadelles. Il est essentiel de partir d'une situation saine. Pour le savoir, il faut réaliser une analyse préalable du risque. Souvent, les vignerons formalisent leur projet de conversion à l'automne ou en hiver. Les comptages ont lieu en juin, il faut donc anticiper sinon différer d'une année son projet le cas échéant pour ne pas risquer de faire machine arrière deux ou trois ans plus tard. Des viticulteurs peuvent avoir la chance d'être sur un secteur où la cicadelle est peu présente."