Ambroisie : cultivateurs et apiculteurs s’unissent pour lutter !

Originaire d’Amérique du Nord, l’ambroisie est une plante invasive capable d’un développement rapide dans de nombreux milieux. On la rencontre aux bords des routes, dans les friches mais aussi sur des parcelles agricoles, notamment au sein des cultures de tournesol, où elle est très concurrentielle.

Le plus souvent connue pour le facteur allergisant de son pollen, l'ambroisie est devenue, en quelques années seulement, un véritable fléau pour la santé. Plusieurs régions françaises sont particulièrement touchées comme l'Occitanie, la Nouvelle-Aquitaine et l'Auvergne-Rhône-Alpes.

Une véritable menace sur le développement

L'autre phénomène, lié à son extension sur le territoire français, est sa présence au sein des tournesols. Une culture propice au développement de l'ambroisie par une coïncidence de cycles de développement et un faible effet concurrentiel du tournesol dû à son implantation en larges espaces inter-rangs, lui laissant la possibilité de s'implanter et de se développer. Plus précoce, elle prend alors le dessus avec, à terme, un étouffement des cultures.

Le tournesol, une culture essentielle pour la filière apicole

Pour produire du miel, les abeilles ont besoin de nectar et de pollen et, par conséquent, de parcelles fleuries, en nombre. Le tournesol répond à ces besoins en offrant une longue floraison pendant une bonne partie de l'été. Les apiculteurs peuvent ainsi extraire des ruches du miel de qualité et en quantité. D'où l'importance de préserver ces cultures pour assurer l'avenir de l'apiculture en France. Une corrélation évidente pour Philippe Lecompte, apiculteur professionnel, président du Réseau Biodiversité pour les abeilles : « Dans les années 90, les apiculteurs français produisaient 35 000 tonnes de miel. La surface de tournesol était alors de 1.2 millions d'hectares. En 2018, nous n'avons enregistré que 10 000 tonnes de miel. La surface cultivée consacrée au tournesol n'était plus que de 550 000 hectares ; comment alors ne pas faire le parallèle... ».

Un désherbage sélectif et raisonné

Des surfaces en diminution en France qui peuvent s'expliquer, en partie, par la prolifération de cette adventice et qui mettent en danger tout autant la pérennité même de certaines exploitations agricoles. Le tournesol revêt pourtant bien d'autres avantages comme le précise Jean-Loup Chatard, agriculteur à l'EARL de Lunelle, sur la commune de Cognat-Lyonne, dans le département de l'Allier, un secteur particulièrement touché par l'ambroisie : « J'ai choisi d'implanter cette culture sur une partie de mon parcellaire pour ses qualités agronomiques évidentes. Il serait vraiment aberrant de devoir réduire les surfaces de production à cause de cette plante invasive venue d'outre-Atlantique alors qu'elle constitue une excellente tête de rotation ! ».

Des solutions techniques agronomiques et variétales

Grâce à de nombreuses sélections, la recherche agronomique a permis d'obtenir des variétés de tournesol résistantes à certains herbicides (qualifiées de variétés tolérantes aux herbicides, VTH), permettant ainsi de lutter efficacement contre les adventices dont l'ambroisie en associant des solutions variétales et des techniques agronomiques.
L'agriculteur a ainsi à sa disposition les moyens d'effectuer un désherbage sélectif et raisonné lui permettant de détruire efficacement l'ambroisie dès la levée des semis de tournesol.
Malheureusement, ces nouvelles variétés ont attiré l'attention de certaines associations environnementales, comme l'explique Jean-Loup Chatard : « Par méconnaissance de l'agronomie, certains ont cru que ces variétés étaient des OGM et, ceci, malgré l'avis rendu il y a quelques mois par le Conseil d'État, indiquant qu'il n'en était rien ! Ces variétés ne rentrent pas dans la directive 2001/18 sur les OGM ».

Vers des contraintes administratives et une surrèglementation ?

Si les cultivateurs se voient donc confortés grâce à cette directive, ils n'en demeurent pas moins inquiets quant aux contraintes administratives liées à l'utilisation de ces variétés qui pourraient naître de ces suspicions, comme le craignent Jean-Loup Chatard et Philippe Lecompte : « Le Conseil d'État a rendu une décision cohérente quant à ces variétés mais restons vigilants. Il ne faudrait pas que nous nous dirigions vers une catastrophe agronomique par la suppression de cette tête d'assolement aux propriétés intéressantes. De plus, cette perte aurait aussi des conséquences environnementales indéniables en privant nos abeilles d'une ressource abondante ». Outre la baisse de la qualité et de la quantité de miel pour les apiculteurs, c'est aussi l'aspect sanitaire qui s'en verrait pénalisé en favorisant l'extension de l'ambroisie et de son pollen allergisant.

Un appel aux pouvoirs publics

Afin de préserver la culture de tournesol et la santé de toute une filière agricole et apicole, les professionnels de ces deux secteurs s'unissent, chaque année, à l'occasion de la semaine de lutte contre l'ambroisie, pour lancer un appel à la responsabilité en direction des pouvoirs publics. Philippe Lecompte appuyant sur le fait qu'« il faut continuer à alimenter nos colonies d'abeilles pour permettre non seulement de produire du miel mais aussi assurer le service de pollinisation qui est indispensable au maintien de la biodiversité. Nous sommes aussi face à un défi de santé publique en détruisant l'ambroisie ». Agriculteurs et apiculteurs, des professionnels qui demandent le classement de l'ambroisie comme espèce nuisible pour l'agriculture.

Sébastien Joly
L'Allier Agricole