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Anticiper la sécheresse et la crise fourragère
Après deux années déficitaires en production fourragère, la menace d’une nouvelle sécheresse dans un contexte de crise du coronavirus est à redouter. La Coordination rurale appelle le ministre de l’Agriculture à prendre dès à présent des mesures.
« Les agriculteurs constatent d'importants retards de pousse d'herbe », alerte la Coordination rurale dans un communiqué le 16 avril. Après deux campagnes fourragères déjà déficitaires, des stocks vides chez beaucoup d'éleveurs et l'achat de fourrage peu envisageable en cette période « du fait des problèmes de transports mais aussi de l'absence de disponibilités financières », le syndicat redoute les conséquences que pourrait avoir une nouvelle année de sécheresse.
« La Coordination Rurale a donc demandé au ministre de l'Agriculture d'obtenir rapidement l'autorisation de l'Union européenne pour les éleveurs d'utiliser leurs surfaces en jachère pour faire pâturer leurs troupeaux, et aussi pour les céréaliers de les mettre à disposition des éleveurs, tant pour la pâture que pour un fauchage ultérieur », fait savoir le syndicat. Et d'ajouter, en référence à l'an passé, qu'« il serait tout à fait appréciable que cette demande n'aboutisse pas tardivement, lorsque les jachères n'auront plus aucune valeur alimentaire... »
Après une pluviométrie globalement excédentaire cet hiver, le brusque rafraîchissement début avril a ralenti la croissance de la végétation et l'indice d'humidité des sols au 1er avril était globalement en-dessous de la normale. « Les sols superficiels qui étaient saturés ou proches de la saturation sur la majeure partie du pays fin février se sont asséchés durant le mois de mars suite aux conditions anticycloniques qui ont dominé sur le pays durant la seconde quinzaine et aux températures maximales souvent supérieures aux normales », indique Météo-France dans son bulletin de suivi hydrologique au 1er avril. « L'assèchement s'est nettement accentué sur l'est du Massif central, le pourtour méditerranéen de l'Hérault au Var ainsi que sur le Midi toulousain », note l'organisme de météo.
Dans son communiqué, la Coordination rurale craint aussi des tensions sur le marché de la paille, étant donné la baisse des surfaces implantées en céréales à paille cette année. Selon le service de statistique du ministère de l'Agriculture, les surfaces implantées en céréales d'hiver ont en effet diminué de 4,3% par rapport à l'an dernier. La sole de blé tendre est à son plus bas niveau depuis 2003. Malgré la hausse des surfaces d'orges de printemps (+8,9%), les surfaces de céréales à paille devraient être les plus faibles de ces cinq dernières années.
« Cette faible disponibilité impactera nécessairement les tarifs », craint la Coordination rurale. D'autant qu' « à ce jour, il est impossible de savoir dans quelles conditions se dérouleront les moissons. Il est cependant à craindre que les transporteurs soient peu disponibles pour assurer le transport de paille, car il y aura nécessairement beaucoup de demandes provenant de l'industrie par exemple, mais aussi d'autres secteurs d'activité à la solvabilité meilleure qu'une agriculture très fragilisée par cette crise supplémentaire », poursuit le syndicat.
La Coordination Rurale indique avoir demandé au ministre de l'Agriculture « d'initier dès à présent une série de mesures visant à garantir l'approvisionnement fourrager – à des coûts raisonnables – des éleveurs pour qu'ils puissent assurer l'alimentation et le logement des animaux : rendre le transport de fourrage prioritaire, réserver la paille à des utilisations agricoles, accorder la gratuité des péages aux transporteurs livrant les éleveurs, ouverture des accès aux bourses de transports pour faciliter les mises en contact entre transporteurs et agriculteurs... »
La Confédération paysanne appelle de son côté à « prioriser les ressources fourragères disponibles pour l'alimentation des animaux plutôt que pour la production énergétique ». Dans une publication du 15 avril, le syndicat appelle à « la plus grande vigilance sur l'utilisation de fourrages dans les méthaniseurs », en estimant que l'herbe devrait être comptabilisée « dans les 15% maximum d'apports en culture ».