- Accueil
- Revaloriser les veaux laitiers : le pari visionnaire du Cirbeef
Revaloriser les veaux laitiers : le pari visionnaire du Cirbeef
Unique centre de recherche français dédié à la production de viande rouge à partir des veaux laitiers, le Cirbeef a ouvert ses portes dans le Morbihan. Plus de 300 personnes sont venues visiter ses installations, découvrir ses résultats de recherche et comprendre les enjeux importants qui gravitent autour de cette viande dont le marché est très demandeur.
Souvenez-vous, c’était il y a 8 ans à peine : les petits veaux laitiers ne valaient presque rien : 40, 30 euros, parfois tout juste un billet de 10… Un crève-cœur et un coup dur pour les finances des éleveurs. Préoccupée par cette situation, la filière laitière se met alors à réfléchir à des alternatives et à une autre forme de valorisation de ces animaux.
Sous l’égide de l’Institut de l’élevage, et en association avec de nombreux partenaires, elle décide alors de reprendre une ancienne ferme expérimentale de la chambre d’agriculture de Bretagne et d’en faire un centre de recherche appliquée sur la production de viande rouge à partir des animaux issus du troupeau laitier.
Un centre ouvert en 2020
Le Cirbeef, Centre d’innovation et de recherche des Bouviers situé à Mauron (Morbihan), ouvre ses portes en 2020. La ferme de 62 ha dispose de 120 places en nurserie et 240 places en engraissement, et accueille des animaux issus des troupeaux laitiers, de race laitières ou croisées, allant de 50 à 900 kg.
Cinq ans plus tard, le 19 juin 2025, le Cirbeef a ouvert ses portes pour présenter ses installations et ses premiers résultats, et c’est peu dire que le pari de consacrer des moyens de recherche à ce sujet a été gagnant : les prix des petits veaux se sont envolés et ceux de la viande aussi. « On a eu raison d’y aller, on a été plutôt visionnaires », se félicite Samuel Bulot, président de l’Idele-Institut de l’élevage, à l’occasion de l’évènement qui a attiré plus de 300 personnes.
Une viande qui correspond à celle qu’on importe !
Avec ces niveaux de prix de la viande, l’enjeu de 2025 (et sans doute des années à venir) n’est plus d’empêcher les éleveurs laitiers de perdre de l’argent avec leurs petits veaux, mais de leur offrir une possibilité d’en gagner davantage… avec en plus, la satisfaction de contribuer un peu plus à la souveraineté alimentaire.
En effet, la viande qui est importée en France est principalement celle destinée à la restauration hors foyer, et souvent, pour des hamburgers. Sur ce créneau-là, en plus de la vache de réforme, les animaux issus du troupeau laitier, jeunes bovins, génisses et bouvillons, sont très bien placés.
Aujourd’hui, la France est exportatrice nette de petits veaux : entre 300 000 et 400 000 sont vendus chaque année, à 90 % vers l’Espagne (qui les consomme essentiellement sous forme de ternera, animaux de 10 à 16 mois). Elle se prive donc d’un minerai qui pourrait lui permettre d’approvisionner son marché intérieur ! « Il y a un créneau à prendre pour répondre à la demande du consommateur », explique Marie-Andrée Luherne, éleveuse laitière et présidente du Cirbeef.
Autre élément en faveur d’une diminution de l’export des petits veaux : une préoccupation croissante, sociétale mais aussi réglementaire, autour du bien-être animal. Le transport d’animaux vivants sur de longues distances, pourrait être limité, voire proscrit, surtout lorsqu’il s’agit de très jeunes animaux.
Un besoin de références
Réintroduire, des ateliers de sevrage et d’engraissement des veaux sur des fermes laitières ou dans des sites spécialisés séparés, ne peut cependant pas se faire sur un coup de tête ou une opportunité de marché : il faut des références techniques, économiques, de qualité... et c’est là-dessus que travaille le Cirbeef.
Depuis 5 ans, des résultats ont été déjà obtenus : des itinéraires d’engraissement de bœufs et des génisses croisés holstein-limousin ont été validés, avec ou sans pâturage. Les bœufs atteignent 300 kg de carcasse à 15,5 mois en moyenne. Les génisses doivent être engraissées 1 à 2 mois de plus pour atteindre le même poids. Cerise sur le gâteau : ces animaux « à cycle court » ont une empreinte carbone intéressante à 6 à 7 kg de CO2/kg VV (et cette empreinte peut encore diminuer s’ils sont à l’herbe).
D’autres travaux ont porté sur la qualité de la viande de jeunes bœufs de 18 mois issus de différents croisements et différents itinéraires. Cette qualité semble répondre à la demande de la filière en tendreté (notée 7/10 par un jury expert), ainsi qu’en couleur : la viande des animaux finis à l’herbe étant toutefois plus rouge et plus maigre que celle des animaux finis à l’auge.
Bien d’autres recherches devront être conduites au Cirbeef en lien avec ses partenaires, par exemple sur la sélection génétique plus adaptée à la production de viande rouge (et non plus uniquement de veaux de boucherie) ou encore sur les différents itinéraires techniques possibles, puisqu’il peut y avoir une très large palette de solutions. Le tout dans l’objectif de faire de la viande issue du troupeau non plus un sous-produit mais bien un coproduit de l’élevage laitier.