Benoît Biteau : "25% de bio d’ici 10 ans ? Un objectif petit bras"

Agriculteur et député Vert au Parlement européen, Benoît Biteau estime que les stratégies de l’Europe pour la biodiversité et l’alimentation ne sont pas assez ambitieuses. Il prône un développement généralisé de l’agroécologie.

« Quand on voit la courbe de conversion à l'agriculture biologique et la force des attentes sociétales, l'objectif de 25% de bio dans dix ans paraît vraiment petit bras », lance Benoît Biteau. Agriculteur en Charente Maritime et député européen dans le groupe des Verts, Benoît Biteau n'a pas manqué de réagir aux stratégies européennes « De la fourche à la fourchette » et « Biodiversité » lors d'une conférence organisée par l'Association française des journalistes agricoles (Afja) le 26 juin.

Dans le cadre de son « Green deal », la Commission souhaite réduire de moitié l'utilisation et le risque de pesticides d'ici 2030, une baisse de 20% de l'utilisation des engrais et un développement de l'agriculture biologique à hauteur de 25% des terres cultivées.

« C'était la trajectoire que l'on pouvait imaginer sans la stratégie européenne, estime Benoît Biteau. Le train était déjà lancé ». L'agriculteur rappelle que « des expériences réussies en agriculture biologique existent », et met en avant la sienne. En reprenant l'exploitation de son père en 2007, il est passé de la monoculture de maïs à la production d'une quinzaine d'espèces pour l'alimentation humaine, en mettant en place des techniques agroécologiques. Il explique n'utiliser aujourd'hui aucun pesticide, même autorisés en bio. La moitié de son exploitation de 250 hectares est dédiée aux cultures, le reste aux pâturages avec cinq ateliers d'élevage différents.

« Aujourd'hui, on a capitalisé assez de solutions qui permettent de faire la démonstration que l'on peut se passer de pesticides », argue-t-il. A la question de la perte de productivité dans un système sans pesticides ni engrais de synthèse, il répond que cette question est un « faux débat » : « On veut continuer à rentrer au chausse-pied les pratiques de l'agriculture conventionnelle dans celles de l'agriculture biologique. Or, on ne peut pas se contenter de supprimer les pesticides et les engrais de synthèse pour atteindre la certification bio, sans rien changer par ailleurs. Il faut d'abord chercher des alternatives en s'appuyant sur l'agroécologie »

Et de prendre l'exemple de la culture du blé : « Pour qu'un blé issu du catalogue officiel exprime son potentiel génétique, il faut qu'il soit protégé par des pesticides et accompagné par de l'engrais de synthèse. Le même blé conduit en agriculture biologique va perdre 50% de sa productivité. Mais lorsque l'on change de ressource génétique, que l'on pratique le mélange d'espèces, l'agroforesterie, le semis direct sous couvert, etc., on règle ce problème de la productivité », explique-t-il. Le mélange de plusieurs espèces sur une même parcelle peut permettre, par exemple, de conserver le même niveau de productivité.

L'eurodéputé estime également que la PAC, telle qu'elle est orientée en ce moment, « ne correspond pas aux ambitions d'un green deal ». Il milite pour le remplacement des aides à l'hectare par des aides à l'actif, ainsi que pour l'instauration de règles de conditionnalité dès le premier pilier.