Clap de fin amer pour la sucrerie Bourdon

« The end » pour la plus ancienne sucrerie métropolitaine qui depuis le 19ème siècle fédérait toute une filière autour des Limagnes et du Val d’Allier. La coopérative Cristal union aura eu raison de la vieille dame et de ses planteurs coopérateurs…

C'est non sans colère que près de 300 planteurs ont convergé le 30 janvier dernier vers la sucrerie Bourdon afin de remettre en main propre à Cristal Union leur « lettre de sortie » de la coopérative. Une missive reçue en décembre 2019 dans laquelle le groupe sucrier enjoignait les planteurs à opter avant le 31 janvier 2020 entre une indemnisation de 1000 €/ha ou la possibilité de continuer à livrer leur production à Cristal Union avec un coût supplémentaire de 5€/tonne pour le transport... Autant dire que les producteurs avaient à choisir entre le marteau et l'enclume : partir pour une somme ridicule ou travailler à perte !

Le statut coopératif bafoué

« On est venu signer le diktat de Cristal union ! » lançait un producteur présent devant la sucrerie de Bourdon. « Nous sommes résignés et contraints de signer un protocole de sortie qui a été décidé unilatéralement par la coopérative, sans aucune concertation » surenchérit un autre. Car ce 30 janvier, au-delà du « ridicule de l'indemnisation », c'est surtout le comportement de la coopérative Cristal union qui était dénoncé par le collectif des planteurs de Bourdon. Son représentant, Régis Chaucheprat n'a pas manqué de souligner « le manque total de transparence » qu'une coopérative digne de ce nom doit à ses associés coopérateurs. « Depuis le début, Cristal union a refusé de dialoguer et de produire les pièces justifiant sa décision de fermer notre usine. Le principe coopératif, 1 homme = 1 voix, a été totalement bafoué par ses représentants. Le groupe n'a même pas respecté la décision de justice rendue et n'a jamais envisagé d'aboutir à une négociation équitable avec notre collectif de planteurs qui représente pourtant 80% de ses associés coopérateurs de la section Bourdon ! C'est inadmissible. »  

« Un mauvais film »

 « On se sent humiliés » poursuit Jean-Michel Ferrier, producteur dans l'Allier. « J'ai l'impression d'un mauvais film dont le scénario était écrit depuis longtemps, voire même depuis l'acquisition de Bourdon par Cristal union... ». Les planteurs ont en effet le sentiment amer d'avoir contribué depuis 2012 à l'accroissement des richesses d'un groupe dont le seul objectif était, à terme, de fermer l'outil ; la logique comptable supplantant les fondamentaux de la coopération agricole.

C'est aussi la perception de Julien Cautier, producteur de grandes cultures et de betteraves en Limagne ; il s'interroge sur l'avenir du statut de coopérateur. « Solidarité, égalité... où sont les principes fondateurs de la coopération ? Cristal union nous a sacrifiés sur l'autel de l'économie faisant abstraction totale de notre statut d'associé coopérateur. Nous avons été abandonnés par notre coopérative, et pas que... » Julien Cautier dénonce aussi le mutisme de Coop de France et de la CGB dans cette douloureuse affaire. « Comment inciter des jeunes à s'impliquer dans la coopération agricole quand on voit ce genre de comportement !»

Jean-Yves Foucault, présent parmi les planteurs le 30 janvier, estime, lui aussi, que « l'attitude affichée par Cristal union remet en cause les droits des coopérateurs ; c'est une véritable question de fonds qui est posée à Coop de France ! » Et d'ajouter : « 42 ans de défense du système coopératif au sein de la sucrerie Bourdon et s'entendre dire « circuler y'a rien à voir ! » c'est du jamais vu ! ». Pour l'ancien président de Limagrain, le problème ne tient pas tant à la taille de la coopérative mais à l'identité de son territoire. « Une coopérative doit avoir des racines or Cristal union n'en a pas ! »

Et après ?

Le clap de fin est tombé sur la sucrerie. Les producteurs doivent maintenant tourner la page et rebondir. Un exercice d'autant plus difficile qu'aucune production n'est aujourd'hui en mesure de remplacer 5000 ha de betteraves qui en plus jouaient pleinement leur rôle de tête d'assolement. « C'est un réel problème pour les producteurs de Limagne et du val d'allier mais aussi pour les éleveurs locaux qui bénéficiaient de 70 à 90 000 tonnes de pulpe pour leurs animaux... » explique Régis Chaucheprat. Diverses pistes de diversification sont d'ores et déjà évoquées ici ou là pour accompagner les ex-planteurs, mais la rancœur et la déception auront du mal à se dissiper. Car c'est tout un pan de l'histoire agricole du Puy-de-Dôme qui a été sacrifié d'un seul revers de manche.