Forêt et forestiers, insectes et biodiversité, toute une histoire !

La forêt est un milieu qui intéresse, attire ou inquiète, mais ne laisse pas indifférent, qu’il s’agisse du promeneur occasionnel, du forestier ou du naturaliste. Elle peut sembler rester l’un des derniers milieux « naturels », n’apparaissant pas toujours dans sa dimension anthropique et économique.

Si la notion de « forêt » apparaît immédiatement aux yeux et à l'esprit, il n'est pas si aisé d'en donner une définition précise. Il en existe plusieurs, qui renvoient toutes à la présence d'arbres en formation cohérente. Une définition « de référence » est celle de l'Inventaire Forestier National et de l'Organisation des Nations Unies :« La forêt est un territoire occupant une superficie d'au moins 50 ares avec des arbres pouvant atteindre une hauteur supérieure à 5 m à maturité in situ, un couvert boisé de plus de 10 % et une largeur moyenne d'au moins 20 mètres ». Elle est assez large, et peut être assez difficile à appliquer, car elle dépend de l'échelle d'analyse et du contexte général. De plus, une formation végétale boisée à seulement 10% ne correspond pas à l'image usuelle d'une « forêt ».

La forêt en Auvergne

En Auvergne, les forêts représentent 28 % du territoire soit 729 000 ha, avec globalement autant de forêts feuillues que résineuses, mais avec une répartition inégale selon les départements (Allier: 16 %, Cantal : 25 %, Puy-de-Dôme: 31 %, Haute-Loire : 36 %), et plus encore selon les régions forestières (Le Livradois-Forez étant très boisé, contrairement à la Limagne). Le rapport entre feuillus et résineux est très variable de la même manière (selon les départements et les régions naturelles) : par exemple, les feuillus occupent 85 % des forêts dans l'Allier et 68 % dans le Cantal, mais seulement 18 % en Haute-Loire. Laurent Lathuillière, de l'ONF, complète : « La forêt auvergnate est caractérisée par une grande diversité des conditions climatiques et stationnelles (altitude, substrat, exposition, (micro)topographie...) qui déterminent en partie - mais en partie seulement - la répartition « naturelle » des essences forestières (et des espèces animales et végétales associées) ». Elle relève aussi d'une grande diversité de propriétaires avec 85 % de forêts privées et 15 % de forêts publiques. Laurent Lathuilllière insistant sur le fait qu'« en résumé, il existe en Auvergne une grande variété de situations qui engendre une multitude de types forestiers, qui font la diversité et la richesse des forêts d'Auvergne ».

Une histoire forestière

L'histoire forestière de notre pays est très ancienne. Les forêts que nous observons aujourd'hui sont les héritières (ou les descendantes) des forêts des temps anciens ou des reconquêtes sur les espaces défrichés.Il apparaît que la surface forestière de la région a triplé en deux siècles, et que la plupart des forêts actuelles sont donc « jeunes » (moins de 200 ans, première génération d'arbres). Les forêts plus « anciennes » (c'est-à-dire présentes depuis plus de 200 ans) sont réduites, et ont toutes été exploitées pour les besoins des sociétés, parfois intensément. Elles ont souvent une origine royale, ecclésiastique ou communautaire. Cette histoire a constitué au fil du temps et des exploitations, des peuplements variés, tant en essence qu'en structure, mélangés ou monospécifiques, mais aussi marqués par l'action des hommes qui a créé ainsi des « sylvo-faciès ». Ils ont très souvent une valeur de production ligneuse importante, mais aussi une valeur écologique indéniable, soit en terme de richesse propre, soit en tant qu'élément d'une trame boisée.

Vers une gestion forestière multifonctionnelle ?

Le travail du forestier consiste la plupart du temps, et depuis plusieurs siècles, à produire du bois de la meilleure qualité possible, tout en préservant le patrimoine naturel et écologique des forêts dont il assure la gestion. Les arbres morts, creux, dépérissants, tordus, etc., ont été ainsi pendant très longtemps (et encore fréquemment aujourd'hui) enlevé en éclaircie au profit des plus belles tiges. De plus, le sylviculteur récolte les arbres à leur âge optimum technico-économique, qui est toujours bien inférieur à l'âge biologique qu'ils peuvent atteindre. Ainsi pour un chêne qui peut vivre plus de 600 ans, la récolte intervient généralement entre 180 et 210 ans, soit au tiers de son cycle naturel, ce qui ne permet pas l'apparition et le développement de l'ensemble des micro-habitats qu'il aurait pu accueillir, avec l'ensemble des cortèges associés. Cette action permanente du forestier tend donc à réduire la quantité de bois mort présent en forêt, bien que dans le même temps les surfaces forestières augmentent et de nombreux peuplements gagnent en maturité. Des mesures peuvent également être mises en oeuvre pour adapter les pratiques sylvicoles (travaux, coupes) à certains enjeux spécifiques. Prenons l'exemple de la forêt domaniale des Colettes, dans l'Allier, où des mesures ont été prises comme le détaille Laurent Lathuillière : «  Cette forêt abrite une population de Rosalie des Alpes. Outre le maintien de la hêtraie (chênaie), le maintien d'une trame de vieux bois effective et fonctionnelle (chablis, purges, îlots de sénescence) et la mise en place de tas de bois de grumes de hêtre (supports de pontes et de suivis), l'ONF exige des acheteurs de coupes qu'ils enlèvent toutes les grumes de hêtre du secteur à Rosalie avant le 15 juin chaque année, afin de limiter les « pertes » de ponte lorsque les adultes sortent et se reproduisent ».