L’Australie en flammes, quelles conséquences ?

Que restera-t-il de l’Australie une fois qu’elle aura tourné la page des incendies multiples qui ravagent le territoire depuis plusieurs semaines ? Villes et campagnes sont fortement touchées, obligeant les autorités à procéder à des évacuations massives.

On sait déjà que la propagation des flammes a puissamment altéré les forêts, les surfaces agricoles et les élevages. Il y a donc fort à prévoir que les incendies auront des répercussions sur les marchés agricoles mondiaux, un peu à l'image, toute proportion gardée, des sécheresses des années précédant la crise de 2008, laquelle s'était soldée par une flambée des prix des céréales.

L'Australie est en effet un producteur important de blé, avec en moyenne 20 à 30 millions de tonnes par an, exportant entre 14 et 21 millions de tonnes selon les années, soit près de 70% de la production lorsque les ventes sont hautes. Avec les épisodes de sécheresses et maintenant les incendies, l'Australie, dont la production de blé pourrait reculer de quelque 90%, notamment dans l'Est du pays, va devoir importer du blé, pour la première fois depuis une bonne dizaine d'années.

L'élevage est également lourdement touché par les incendies (87% de la surface australienne sont dédiés à l'élevage extensif). C'est l'ensemble des quelque 24 millions de têtes de bovins allaitants, qui souffre déjà de cet interminable épisode climatique. La production de viande bovine est donc appelée à fortement reculé dans les mois à venir. Endommageant du même coup les exportations de viande bovine, l'Australie étant le troisième exportateur mondial derrière le Brésil et l'Inde. Ce ne sont pas moins de 64% de la production, qui, en moyenne, font l'objet d'exportations, sous forme principalement de viande désossée congelée ou de morceaux avec os réfrigérés (tableau 1). Les principaux importateurs de viande bovine australienne, Chine, Japon et Corée du Sud,  et Amérique du Nord (Etats-Unis notamment) en particulier, vont devoir s'approvisionner auprès d'autres offreurs, s'ils veulent répondre favorablement aux besoins carnés des consommateurs ?

Le drame que vit en ce moment ce grand pays d'Océanie aura, à court terme, de puissants impacts sur la configuration des marchés des céréales et de la viande bovine. Les prix pourraient ainsi se redresser, si toutefois le conflit irano-américain et l'état de la production mondiale de céréales ne contrecarrent pas cette hypothèse. Dans le secteur de la viande bovine, la recherche de disponibilités par les importateurs ouvre des perspectives de débouchés aux producteurs américains, brésiliens, européens et singulièrement français.

Sans négliger l'importance extrême des drames humains, des dégâts matériels et environnementaux, induits par ces incendies dévastateurs, ce sont bien les agriculteurs qui vont en payer un des plus lourds tribus, plus spécifiquement sur le registre de leur revenu. Or, en Australie, l'agriculture constitue un secteur décisif. Comme ils sont assez peu aidés par l'Etat, et que leur endettement est assez conséquent, les pouvoirs publics sont d'ores et déjà appelés à mettre en œuvre des plans de soutiens pour des agriculteurs dont les productions végétales et animales sont partie en fumée. Une telle catastrophe naturelle pourrait bien constituer un déclencheur pour que ce pays réexamine sa position en matière de politique agricole.

La Lettre économique des Chambres d'agriculture du mois de janvier 2020 - Thierry POUCH - l'APCA