Nicolas Hulot, plus équilibriste que jamais

Faire entendre sa petite musique personnelle tout en excluant de sortir du jeu: Nicolas Hulot, qui a dressé vendredi un bilan contrasté des Etats généraux de l'alimentation, joue plus que jamais les équilibristes dans le gouvernement, au risque de susciter quelques agacements.

Le ministre de la Transition écologique a boudé jeudi la clôture des Etats généraux de l'alimentation, alors qu'il en avait été à l'origine et avait assisté à leur ouverture fin juillet. "Le compte n'y est pas, ce n'était pas suffisamment conclusif", commentait-il jeudi soir selon des propos rapportés par Le Monde. "Ce n'est pas un jugement définitif, parce que le compte va y être. Mais il faut un peu plus de temps", a-t-il toutefois nuancé dès vendredi matin, à l'issue d'une rencontre prévue de longue date avec le Premier ministre Edouard Philippe à Matignon.   

Cette absence et cette appréciation mitigée sur les Etats généraux, pilotés par Stéphane Travert, apparaissent comme une nouvelle illustration des relations difficiles entre l'ancien militant associatif et le ministre de l'Agriculture, après leurs passes d'armes sur les insecticides néonicotinoïdes ou le glyphosate. A Matignon, ce nouvel épisode et les tensions entre les deux ministres suscitent un agacement de moins en moins dissimulé. Même si les choses sont rapidement rentrées dans l'ordre avec les déclarations plus apaisantes de Nicolas Hulot devant les caméras à la sortie de Matignon.

'100% en phase'

Nicolas Hulot a notamment assuré être "100% en phase" avec Edouard Philippe sur les Etats généraux de l'alimentation et a exclu toute idée de démission. "Je ne dis pas ça pour dissimuler quoi que ce soit. (...) entre le Premier ministre et moi, ça se passe bien, il y a un dialogue permanent et il y a des ajustements permanents", a-t-il affirmé, qualifiant la rencontre de "nickel". Il en a profité pour nier que sa mésentente avec M. Travert soit devenue problématique. "Nous avons en partage les mêmes objectifs, sous l'autorité du Premier ministre et du président", a assuré pour sa part Stéphane Travert à des journalistes. "La solidarité du gouvernement est entière sur les sujets et sur les attendus des suites" des Etats généraux. "Des désaccords entre ministres, c'est naturel sur ces sujets, et sur le fond, ça ne nuit pas à l'arbitrage", observe une source gouvernementale, qui reconnaît que les relations "cyclothymiques" entre les deux hommes peuvent compliquer la communication de l'exécutif. "Mais il y a des codes quand on est membre d'un gouvernement, donc ça serait mieux que ça s'apaise", juge cette source.

'Marquer le coup'

Nicolas Hulot est "un inquiet", avait souligné dimanche le président Emmanuel Macron estimant avoir "besoin de gens qui vivent dans le creux de leur ventre la nécessité de changer, de prendre les décisions". Nicolas Hulot, dont les déclarations voire les états d'âme sont scrutés depuis son entrée au gouvernement, se voit lui comme "un accélérateur de dialogue". Et nie agiter en permanence la menace d'une démission: "Est-ce que vous imaginez une seule seconde qu'à chaque fois qu'on peut avoir (...) une interrogation ou une contrariété, on pose sa démission sur le bureau du Premier ministre ? Ce n'est pas la conception que j'ai du dialogue et le dialogue, ici, il est permanent", a-t-il lancé.  

Reste que, selon le sénateur écologiste Ronan Dantec, le ministre "est très frustré". "La manière dont il a été associé aux conclusions (des Etats généraux) n'est pas satisfaisante (...) Il a voulu marquer le coup". Pascal Canfin, directeur général du WWF-France, estime lui aussi que Nicolas Hulot "a eu raison de taper du poing sur la table" et "de ne pas s'associer à quelque chose qui aurait été bien en dessous de ce qu'il est possible de faire". "Ce qui est clair aujourd'hui", selon l'eurodéputé écologiste José Bové, c'est que Nicolas Hulot "essaie d'affirmer un certain nombre de positions".

Pour aller plus loin : Tout ce qu'il faut savoir sur les Etats généraux de l'alimentation