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Réforme des retraites : quel impact pour les agriculteurs ?
La France s’est engagée dans une nouvelle réforme des systèmes de retraite. Les motifs affichés par le gouvernement n’emportent pas l’adhésion de tous les salariés. Que sera-t-il pour les agriculteurs, dont on connaît la modestie des pensions de retraite ? Retour sur les principes de la réforme connus à ce jour.
Un système universel
Le gouvernement souhaite mettre en place un système universel de retraite. Ce système remplacera les 42 régimes existants. Les règles seront identiques pour tous : 1 € cotisé donnera les mêmes droits, que l'on soit salarié, indépendant, fonctionnaire. Les plafonds et taux de cotisations seront harmonisés : 28,12 % (taux de cotisations retraite des salariés actuel) sous 3 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (le PASS est fixé pour 2019 à 40 524 €).
Un système par répartition
Le système universel proposé restera par répartition, c'est-à-dire basé sur une solidarité financière intergénérationnelle : les cotisations versées par les actifs pour l'assurance- vieillesse paient les pensions des retraités. Il s'oppose au système par capitalisation, individuel : les cotisations versées font l'objet de placements dont le rendement dépend de l'évolution des marchés financiers et des taux d'intérêt.
Un système par points
La réforme prévoit la mise en place de points. A la liquidation de la retraite, les points acquis tout au long de la carrière sont convertis en euros. Des points gratuits seront octroyés pour les périodes d'interruption d'activité subies : maladie, chômage, invalidité, maternité. On ne tient plus compte du nombre de trimestres cotisés pour avoir un droit à la retraite. Le principe de « décôte » sera supprimé. La retraite sera liquidée une seule fois : on supprime les notions de retraites de base, forfaitaire, proportionnelle et complémentaire. Un paiement mensuel unique sera instauré. La retraite sera calculée sur la carrière complète, et non plus sur les 25 meilleures années (régime général salarié) ou les 6 derniers mois (fonctionnaires). La valeur du point n'est pas encore fixée (elle le serait par les partenaires sociaux), ni ses règles d'évolution (elle serait indexée sur l'évolution des salaires). Le cumul emploi-retraite permettrait d'acquérir des droits supplémentaires.
Une entrée en vigueur progressive du nouveau système
La réforme entrerait progressivement en vigueur à compter du 1er janvier 2025. Elle concernerait les actifs nés au plus tôt en 1975 (1985 pour les agents des régimes spéciaux dont l'âge de départ est de 52 ans : conducteurs SNCF et RATP).Les actifs nés à partir de 2004 seront ceux concernés totalement par le nouveau système de retraite. 62 ans, restera l'âge légal à partir duquel il sera possible de partir en retraite. Des exceptions sont prévues :
- les personnes qui ont commencé à travailler avant 20 ans et ont validé au moins 5 (ou 4 trimestres) continueront à pouvoir partir à partir de 60 ans (carrières longues)
- les personnes qui ont effectué un travail pénible ou qui sont reconnues handicapées pourront aussi partir plus tôt, dans les mêmes conditions qu'actuellement.
Toutefois, un âge pivot (64 ans ?) serait mis en place permettant de toucher la retraite à taux plein, sans malus, pour tenir compte de l'augmentation de l'espérance de vie. Actuellement, l'âge pour bénéficier de sa retraite à taux plein sans « décôte » est fixé à 67 ans. Quel sera le montant minimum d'une retraite ? Pour une carrière complète, un minimum à 85 % du SMIC est prévu, soit environ 1 000 € / mois, indexé sur le SMIC.
Au lieu des 10 % actuels de pension supplémentaire dès 3 enfants pour le père et pour la mère, une majoration de 5 % par enfant dès le 1 er enfant et dans la limite de 3 (soit au maximum 15 %) bénéficiera à la mère (pour le père en cas de choix contraire des parents).
Les familles nombreuses (au moins 3 enfants) donneront droit à une seconde majoration de 2 %. En cas de veuvage, le conjoint survivant bénéficiera d'une pension de réversion qui garantirait 70 % des retraites perçues par le couple avant le décès (au lieu de 54 % de la retraite du conjoint actuellement dans le régime général), sous conditions.
S'agissant du financement de la réforme, le gouvernement compte sur un allongement naturel de la durée du travail avec la mise en place d'un âge pivot et sur l'instauration d'une cotisation supplémentaire pour les revenus dépassant 120 000 € / an.
Comme les petits artisans et commerçants, les exploitants agricoles seraient parmi les gagnants de la réforme des retraites envisagée. Leur minimum retraite pour une carrière complète est actuellement de 75 % du SMIC non indexé dans le secteur agricole non salarié (895 € / mois) : il passerait à 85 % du SMIC (1 000 € / mois) indexé sur l'évolution du SMIC. La moyenne des retraites des exploitants agricoles est de 760 € / mois (contre 1 400 € en moyenne en France), celles des conjoints de 550 €.
La retraite des agriculteurs est déjà calculée sur leur carrière complète : pas de changement pour eux à ce sujet. Subsistent toutefois la question des contreparties attendues, auxquelles s'ajoutent quelques interrogations à ce jour sans réponse. Les cotisations des exploitants passeraient de 21,11 % environ à 28,12 % : cette augmentation aurait lieu progressivement dans le temps. La convergence des cotisations est annoncée sous 15 ans. Il est aussi envisagé la mise en place d'une retraite progressive : comment s'appliquera-t-elle aux agriculteurs ?
Une structure spécifique chapoterait ce système universel des retraites pour l'ensemble des secteurs professionnels : la MSA perdrait sa fonction de guichet unique s'agissant des retraites. Des questions restent encore posées pour les conjoints collaborateurs et les aides familiaux ; et aussi sur la prise en compte de la pénibilité du travail dans le secteur agricole.
L'inquiétude concerne les retraités agricoles actuels qui revendiquent une retraite minimale à 85 % du SMIC depuis des années, mais le projet de réforme pour le moment ne les concerne pas. Le projet de loi sur la réforme des retraites devrait être présenté devant le Conseil des Ministres le 22 janvier 2020, puis entrerait en discussion devant le Parlement à compter de février.
Article publié par Blandine Saget (Direction Entreprise et Conseil)