Auvergne Estives, une nouvelle voix pour l’essor du pastoralisme

Dotée de son bâton de berger et de détermination, l’association créée en 2017 fédère aujourd’hui 30 estives collectives, mais œuvre également à des programmes d’aménagement territorial.

Pastoralisme... dans le Cantal comme en Auvergne, à l’évocation de cette pratique ancestrale, on a souvent tourné la tête vers le Sud et les Pyrénées avec à l’esprit cette image d’Épinal d’un berger, béret basque vissé sur le crane, conduisant son troupeau de brebis tarasconnaises dans le cirque de Gavarnie ; ou encore vers l’Est et les Alpes du Sud. Dans le Massif central, on est éleveur, et si on transhume vers des plateaux d’estives individuelles ou collectives, on se définit rarement comme acteur d’un système pastoral. La profession agricole a d’ailleurs longtemps communiqué sur un élevage bovin extensif, sur la richesse de la ressource naturelle qu’est l’herbe, avant, ces dernières années, de faire référence à cette essence pastorale et de la promouvoir.
Un renouveau de l’identité et de la cause pastorales qu’incarne l’essor de l’association Auvergne Estives : créée en juillet 2015, cette dernière fédère aujourd’hui près de 30 estives collectives(1) réparties sur le Cantal, le Puy-de-Dôme et la Haute-Loire, et s’est affirmée en quelques années seulement comme le service pastoral auvergnat au même titre que ses homologues rhônalpins, des “références en la matière” depuis plusieurs décennies.
Un PPT déjà signé, un second en cours
Au-delà de représenter, fédérer et aider les estives collectives (création(2), projets, …), Auvergne Estives œuvre à la formalisation et concrétisation de projets de territoire à vocation pastorale. Désormais dotée de trois chargés de mission (lire p. 5), l’association que préside le Cantalien Jean-Michel Vigier a déjà à son actif un premier plan pastoral territorial (PPT), dont la signature officielle interviendra dans quelques semaines avec le syndicat mixte du PNR des Volcans, et un second, en cours d’élaboration avec un autre parc régional, celui du Livradois-Forez.
Objectif revendiqué par Laurent Bouscarat, directeur d’Auvergne Estives (par ailleurs directeur de la Coptasa) : couvrir à terme l’ensemble des territoires pastoraux de l’ex région Auvergne et un jour du Massif central par un PPT, un outil permettant tout à la fois d’acquérir une fine connaissance de ces espaces pastoraux, de leurs enjeux, mais surtout d’y répondre via des soutiens à l’investissement. “On a dû dans un premier temps prioriser les territoires - comme le parc des Volcans - qui avaient déjà engagé une dynamique territoriale au niveau pastoral et intéressés pour se positionner en tant qu’opérateur (maître d’ouvrage) d’un PPT”, explique Laurent Bouscarat citant par ailleurs des projets potentiels sur le Mézenc où une enquête pastorale est programmée, ou encore sur la pointe de l’Aubrac cantalien et la Margeride. “On est arrivé au bon moment, estime le directeur. Avec la fusion des régions administratives, la mise en place d’une nouvelle politique pastorale régionale... qui permet de financer 80 % du dispositif.”
Volcans d’Auvergne : 149 communes enquêtées
Ces PPT sont précédés par une étape diagnostic riche d’enseignements. Cette enquête pastorale réalisée en 2020 et 2021 a ainsi permis de caractériser quelque 90 965 hectares de surfaces pastorales diversifiées du PNR des Volcans d’Auvergne, soit près d’un quart de son territoire et 37,6 % de sa SAU de 149 communes enquêtées. Un travail de longue haleine mené par l’une des chargées de mission d’Auvergne Estives - missionné par le Parc comme animateur du PPT - et alimenté par la rencontre de pas moins de 400 acteurs du territoire concerné (éleveurs et élus de chacune des 149 communes).
L’eau, enjeu majeur
Sans surprise, la préservation de la ressource en eau en lien avec changement climatique et le besoin d’équipements pour ces surfaces pastorales pâturées ont été mis en exergue comme les priorités du territoire et du PPT articulé autour de cinq axes : organisation et structuration du foncier agricole et des modes de gestion collectifs, travaux d’aménagement et d’amélioration des équipements pastoraux, pastoralisme et milieux ouverts (reconquête pastorale, broyage, plantation de haies, sylvopastoralisme, mise en défend de zones humides...), communication et multiusages.
Les besoins d’investissement (aménagement de points de stockage et abreuvement, parcs de contention, clôtures, dessertes pastorales, cabanes pastorales, passages d’hommes, signalétique...) ont été évalués à 4,8 millions d’euros et qui seront couverts à hauteur de 3,6 M€ (soit 75 %) par l’enveloppe financière pluriannuelle (2022-2026) budgétée sur le PPT grâce aux fonds européens (Leader) et de la Région Aura. Cette enveloppe - tout sauf neutre - pourrait encore évoluer, espère Laurent Bouscarat, évoquant de possibles cofinancements du Département ou encore de communautés de communes sur certaines actions.
Condition sine qua non pour accéder à ces mesures et financements (dont 80 % sont dédiés à l’investissement) : que le projet soit porté par un groupe d’éleveurs, pas forcément sous la forme d’une estive collective, précise Anaïs Mager, chargée de l’animation de ce premier PPT. La jeune femme, originaire du Cantal et qui a pris ses fonctions en février, a aussi vocation à accompagner la création de ces nouveaux collectifs pastoraux, les éleveurs intéressés pouvant d’ores et déjà la contacter.

(1) Les chambres d’agriculture 15, 43 et 63 font partie des membres fondateurs, les conseils départementaux, communautés de communes, Ipamac sont aussi membres partenaires actifs, d’autres sont membres consultatifs : Région Aura, services de l’État, commissariat de Massif central, Sidam,..
(2) Dont celles de l’estive collective du Lioran et de l’estive ovine du Puy-Mary.