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Les mille vies de Caroline Revegnot : de conseillère agricole à productrice fermière aux Fermiers d’Or
Lauréate de trois Fermiers d’Or au dernier Sommet de l’Élevage après seulement un an de fabrication de produits laitiers dans son entreprise « Plaisirs de nos Montagnes », Caroline Revegnot peut être fière du chemin parcouru. On a voulu en savoir plus sur ce parcours, pour comprendre comment il l’a façonnée et amenée jusque-là.
Pour aller à la rencontre de Caroline Revegnot dans sa ferme de Darnes, sur la commune de Charraix, il faut serpenter un bon moment après Brioude avant de découvrir un hameau préservé avec, en toile de fond, une vue sans fin sur la moyenne montagne arborée de Haute-Loire.
Difficile de se douter que derrière la porte d’une des vieilles maisons en pierre du village se cache le laboratoire de transformation de Caroline Revegnot, qui fabrique à la ferme des yaourts, glaces, et autres fromages blancs, avec le lait des 60 vaches montbéliardes qu’élèvent son conjoint et son beau-frère.
Difficile, aussi, en voyant son aisance à travailler dans le labo, circuler sur la ferme, aller voir les vaches au champ, de deviner que Caroline est loin d’être issue du milieu agricole, qu’elle a passé toute sa jeunesse en région parisienne, à Épinay-sur-Orge (Essonne), et qu’elle a exercé de nombreux métiers avant de trouver sa voie.
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Presque 10 ans de commerce itinérant
En effet, Caroline a testé beaucoup de schémas, de fonctionnements, et de secteurs avant de trouver le bon. Et c’est peut-être ça qui lui a réussi. Après le collège, c’est son intérêt pour le secteur équin qui la guide vers un BEPA à Yssingeaux. Bac en poche (Conduite et gestion d’une exploitation agricole), elle décide de poursuivre en BTS Production Animale au lycée agricole Brioude-Bonnefont : « J’ai compris que le monde du cheval n’était pas fait pour moi, donc j’ai continué dans une filière assez générale », précise-t-elle. « À ce moment-là, je ne savais pas quel métier je voulais faire. Mais lors d’un stage, j’ai eu des encadrants extraordinaires. Je me suis dit : le monde de l’élevage, pourquoi pas ! » Lors d’une autre expérience dans le Pays basque en insémination ovine, pendant son BTS, l’ambiance et l’esprit de l’élevage continuent de la convaincre. Une fois diplômée, n’ayant pas la possibilité financière de poursuivre ses études, elle enchaîne des petits boulots (aide à domicile en milieu rural, caissière en grande surface) qui ne lui conviennent pas.
À ce moment-là, Caroline Revegnot a 20 ans, et veut travailler dans le secteur qui lui correspond : le monde agricole. « Je suis partie avec des CV sous le bras au Sommet de l’Élevage. Le lundi suivant, j’avais 6 propositions de CDI ! » Elle est notamment contactée par Oceadis, une entreprise basée à Yssingeaux pour qui elle devient commerciale itinérante. Elle visite des élevages bovins, ovins, caprins, rencontre des éleveurs et assure leur approvisionnement en produits d’hygiène, semences, aliments… Parmi ses clients, un certain Roland Galtier, qui fabrique avec sa femme, Évelyne, des yaourts à Darnes. Elle entendra parler d’eux un peu plus tard...
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Retour à la case départ
Après 11 ans à arpenter la France entière (« on pouvait faire 500 km par jour ») et à s’adapter à des horaires atypiques, celle qui est aujourd’hui productrice fermière décide de quitter ce métier au moment où elle attend son premier enfant. « Suite à la naissance de ma fille, je voulais être nounou. » Cet intérêt pour les petits lui vient notamment d’une expérience d’accompagnatrice de randonnées équestres, en BPA à Yssingeaux. « J’avais fait toutes les démarches pour m’installer, mais en arrivant à Pôle Emploi, on m’a annoncé qu’on ne financerait pas mon projet ». Difficile retour à la case départ pour Caroline, « à déposer des CV à droite, à gauche ». Après un rapide passage chez Gamme Vert, à Langeac, où les horaires du poste en magasin ne sont pas compatibles avec sa vie de famille, elle devient conseillère pour le Crédit Agricole. « Je gérais un portefeuille de clients : agriculteurs, maçons, ambulanciers… J’étais là pour répondre à leurs besoins », décrit-elle. Ce monde financier associé au contact avec les clients lui plaît. Mais un différend avec son patron l’empêche de se projeter, et après quelques mois, elle bifurque. Direction le lycée forestier de Saugues, où elle devient surveillante. « Je travaillais la nuit, donc la journée, j’étais avec ma fille. Ça collait. » Si le rythme et le contact avec les jeunes lui correspondent, « le problème, c’est qu’on ne peut pas se projeter dans ce boulot. On le fait quelques années, et on est mis dehors. »
On est en mars 2020, le Covid frappe à la porte et vient fermer celles du lycée. C’est lors de cette période bousculée qu’émane la proposition qui changera la vie de Caroline Revegnot. « Nos voisins, Evelyne et Roland Galtier, nous proposent de reprendre leur ferme pour faire de la transformation laitière. »
Deux ans de passation
Roland et Evelyne n’ont jamais été des inconnus pour Caroline et Romain, son conjoint. Elle les connaissait depuis son passage chez Oceadis (ils lui achetaient des produits), comme voisins (tous habitent à Charraix), et agriculteurs (Romain, déjà installé, croisait régulièrement Roland près de leur exploitation). « D’autres personnes étaient intéressées pour reprendre, mais ils voulaient la laisser à quelqu’un qui allait continuer la transformation avec un projet pérenne. » S’ouvre alors une période de passation avec Evelyne, « pour voir si le courant passe », et de construction du parcours d’installation. Entre 2021 et 2022, les deux femmes travaillent en binôme, en cherchant à développer de nouvelles recettes pour la future entreprise de Caroline, pendant que Romain et son frère Aurélien rachètent les terres de Roland et Evelyne et y installent leur élevage de vaches laitières.
Aujourd’hui, le Gaec de Darnes compte trois associés : Caroline, Romain, et Aurélien (le frère), ainsi que deux salariés : Margot, qui travaille au labo de transformation, et le père des garçons, qui les aide avec les vaches. La productrice transforme 20 000 litres de lait par an en yaourts, crèmes dessert, riz au lait, glaces, sorbets, fromages blancs et sorbets. « J’avais besoin du contact avec les gens, que j’ai gardé, et du côté commercial, qui me plaisait. En plus, je gère mes horaires », résume Caroline, qui a enfin « trouvé le bon compromis ». L’ultime signe de reconnaissance de sa réussite, seulement un an après s’être installée furent les nombreux prix au concours des Fermiers d’Or, gagnés en 2023. « J’avais présenté quatre produits, et nous sommes sortis 1er en yaourts châtaigne, 2e en glace châtaigne et 3e en yaourts nature. » Alors qu’à la base, elle participait avec « Plaisirs de nos Montagnes » pour faire connaître leur entreprise, ces prix viennent parfaire le tableau de leur installation. « Evelyne aussi est très heureuse. Pour elle et Roland, ça veut dire que l’affaire peut perdurer et qu’ils n’ont pas fait d’erreur en nous transmettant leur ferme », poursuit Caroline, dont le quotidien allie désormais contact avec autrui, indépendance et savoir-faire. Une fierté partagée, donc, comme la preuve que la productrice a enfin trouvé son équilibre.
Plus d'informations :
Site internet : www.sommet-elevage.fr
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