- Accueil
- Filière porcine, évolution dans le transport réfrigéré
Filière porcine, évolution dans le transport réfrigéré
Première étape dans la modélisation complète des risques sanitaires du transport des carcasses.
La viande, avant d'arriver dans nos assiettes, respecte des mesures d'acheminements strictes pour garantir sa qualité sanitaire, sa durée de conservation et de maturation. Pour les industriels de la filière porcine, les carcasses sont transportées depuis les abattoirs, majoritairement situés dans le Nord-Ouest de la France, jusqu'aux centres de découpe répartis sur le territoire dans des camions frigorifiques afin de ne pas rompre la chaîne du froid. La réglementation impose une température de 7°C en tout point des carcasses avant leur chargement dans le camion. Cela oblige les industriels à faire passer les carcasses pendant un temps long en chambre froide avant de les charger dans les camions frigorifiques.
Pour réduire les temps de refroidissement en chambre froide, une alternative à la règlementation permettant de charger les carcasses avec une température de cœur à 15°C et une température de surface à 7°C a récemment été proposée. Afin de garantir la qualité et la sécurité sanitaire des carcasses dans le cadre de cette dérogation, une étude permettant de caractériser les écoulements d'air, les transferts de chaleur et de prédire la croissance microbienne a été réalisée.
Dans un premier temps, les chercheurs ont étudié les écoulements d'air dans une maquette de camion frigorifique reproduit à l'échelle d'environ ⅓ et contenant 430 demi-carcasses en polyuréthane.
"Utiliser des carcasses en mousse n'a pas été un problème dans notre expérience, explique Mouna Merai, doctorante à l'IRSTEA. Ce n'est pas les échanges calorifiques entre l'air et les carcasses que nous cherchions à étudier, mais comment le chargement de ces dernières modifie le courant d'air réfrigérant dans le conteneur."
Une circulation très inégale
L'équipe de recherche a mesuré les variations de la vitesse de circulation de l'air du camion à l'aide de 30 000 pointages lasers LDV (Anémométrie Laser Doppler) sur la longueur du chargement. Ils ont d'autre part mesuré le débit d'air avec la même méthode à partir de 14 000 pointages lasers. Différentes configuration de distribution de l'air ont été étudiées pour déterminer les zones bénéficiant d'un faible renouvellement de l'air, dans lesquelles l'efficacité du refroidissement serait limitée, et pouvant conduire à une dégradation sanitaire des carcasses. En effet, dans les camions frigorifiques, la circulation de l'air réfrigéré est très inégale selon la présence ou la disposition et des gaines de distribution d'air et il est important d'identifier ces zones afin de prédire un éventuel risque lié à un mauvais refroidissement des carcasses.
Les chercheurs ont ensuite mesuré les coefficients de transferts de chaleur entre l'air et la surface des carcasses. Ces données sont cruciales afin de prédire précisément le refroidissement des carcasses. Les chercheurs ont ainsi relevés que les coefficients de transferts de chaleurs entre les carcasses et l'air étaient plus importants au niveau des jambons qu'au niveau des épaules des carcasses car les jambons sont exposés à la vitesse de l'air plus grande favorisant ainsi les échanges de chaleur. Cela permet de refroidir plus efficacement les jambons qui sont les parties les plus grosses et donc les plus difficiles à refroidir.
Renforcement de la sécurité
Ces données de transfert de chaleur ont ensuite été utilisées dans un modèle numérique qui permet de prédire l'évolution de la température des carcasses, l'évaporation de l'eau et la croissance microbienne sur la surface des carcasses. En effet, les paramètres qui influencent le plus la croissance microbienne sont la température et la teneur en eau à la surface des carcasses, il est donc important de bien prédire ces paramètres afin de prédire précisément la croissance microbienne, et donc le risque pour les consommateurs.
« Le modèle numérique nous permet d'évaluer différents scénarios de transport (température et humidité de l'air dans un camion, durée de transport etc.), à partir de ce modèle nous sommes en mesure d'évaluer la croissance microbienne et le risque pour les consommateurs en fonction de la position dans le camion et des différentes configurations de transports. » Explique Mouna Merai.
A partir de ce modèle, les chercheurs peuvent ainsi prédire l'impact de la mise en place de la nouvelle dérogation pour le transport frigorifique des carcasses de porc.
« Le modèle que nous avons développé pourrait devenir un outil de l'optimisation de transport et du renforcement de la sécurité dans le transport et la réfrigération des carcasses porcines. Cela permet de déterminer le scénario idéal de réfrigération des camions de transport avec pour objectif un gain de temps et d'énergie pour les acteurs de la filière» tout en garantissant la sécurité des consommateurs », précise Mouna Merai.
Figure : Velocity magnitude field in the symmetry plane without air ducts where discontinuous black lines present the border between the zones of high (> 2 m.s-1) and low (< 2 m.s-1) velocities (results obtained from LDV measurements and extrapolated to the real scale of the trailer using Reynolds analogy).
Cet article est une première étape dans la modélisation complète des risques sanitaires du transport des carcasses. Pour les chercheurs, cela pourrait être aussi l'occasion de poser la question d'une meilleure répartition des abattoirs sur le territoire.
Article :
Experimental characterization of airflow inside a refrigerated trailer loaded with carcasses; M. Merai,D. Flick,L. Guillier,S. Duret,O. Laguerre; 2018