"Nous réclamons un plan élevage" (Thierry Roquefeuil)

Le président de la FNPL réclame des instruments de nature à offrir une visibilité à moyen terme aux éleveurs désireux d’investir ou de s’installer. En attendant, la déprise menace, amplifiée par la sécheresse et l’atonie des cours.

« S'il n'y a pas un plan élevage au niveau français, l'élevage ne résistera pas ». Dès l'ouverture du Sommet de l'élevage le 2 octobre 2019 à Cournon (Puy-de-Dôme), le président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) a lancé un appel aux pouvoir publics pour stopper l'hémorragie qui affecte les filières animales de manière lancinante depuis des années.  « Ce n'est pas seulement une problématique météo », précise le responsable syndical, pour évacuer d'un revers de la main les sécheresses à répétition, certes prégnantes, mais qui ne font que se surajouter aux sujets de fond. « Le sujet de fond, c'est la volatilité des cours, c'est le lot quotidien des éleveurs laitiers depuis l'annonce de la fin des quotas laitiers », poursuit Thierry Roquefeuil. « On est ballotés au quotidien par les déclarations de Trump, de la Chine ou encore de la Nouvelle-Zélande. Nous réclamons de la stabilité. Comment voulez-vous qu'un jeune s'engage sur des investissements de 10 ou 15 ans quand il ne sait pas si sa laiterie sera en mesure de le payer dans les mois qui suivront son installation ? Il nous faut un plan élevage apte à donner de la visibilité sur le moyen et long terme ».

« Archipellisation » territoriale

Les zones de montagne sont particulièrement exposées à l'instabilité économique et réglementaire. En moyenne, le coût de production pour 1 000 litres de lait est entre 30% et 43% supérieur en montagne qu'en plaine, selon le Cniel. In fine, un différentiel de 88 euros subsiste entre le prix de revient et le prix perçu réellement pour offrir un niveau de salaire équivalent à deux SMIC mensuels par actif de la filière. Le surcoût moyen de collecte est quant à lui de 14 € / 1000 litres. Résultat : en 10 ans, le nombre de producteurs de lait a drastiquement baissé : de 19 à 47% selon les départements dans le Massif Central, le Jura et les Alpes, de 52% dans les Pyrénées.

La disparition de la filière laitière de montagne porte en elle un risque économique, social et politique très lourd. « Environ 65 000 emplois directs et indirects dépendent de son dynamisme économique » estime le Cniel. « Une baisse annuelle constante d'environ 5% du volume de lait collecté pendant 5 ans se traduirait par la perte d'environ 10 000 emplois, impactant ainsi directement près de 29 000 personnes. Un décrochage durable des zones de montagne conduirait à une forme d'« archipellisation » territoriale contraire au contrat social, incarné par la République. Cette situation engagerait une déconnexion durable des espaces ruraux de montagne du reste du territoire français ».

Indicateurs EGA

Dans le Massif central en particulier, la filière souffre d'une sous-représentation de la production et de la transformation sous AOP, laquelle ne concerne que 25% de la production quand elle atteint 75% dans le Jura ou en Savoie, selon une étude présentée par FranceAgriMer il y a un an exactement au Sommet de l'élevage. « Dans un département comme la Haute-Loire, on ne peut pas inventer d'AOP là où il n'y en a pas », relativise Eric Richard, éleveur en Haute-Loire, secrétaire général de la FRSEA lait Auvergne Rhône-Alpes. La production bio est une autre opportunité de montée en gamme et en prix. En deux ans, la production bio a doublé dans la région, pour atteindre 7% de la collecte.

Les responsables professionnels ne désespèrent pas de voir la loi EGAlim produire ses effets. « En un an, les prix du lait ont été revalorisés de 15 €/1000 L et on peut estimer que la moitié incombe à la loi EGAlim », déclare Thierry Roquefeuil. « Nous espérons une montée en charge de ses effets au fil du temps. Pour les prochaines négociations, nous devrions pouvoir mettre sur la table des indicateurs de prix de revient, avec l'aval de Bruxelles, pour ne pas risquer d'être attaqué pour entente ».

Défaut d'attractivité

L'économie est fondamentale, mais elle ne fait pas tout. « Au sein d'une AOP comme le Saint-Nectaire, on a du mal à recruter de nouveaux producteurs alors que la valorisation est au rendez-vous », indique Michel Lacoste, secrétaire général adjoint de la FNPL. Un sujet pas moins complexe que le volet économique.