Viande bovine : "On ne peut accepter que nos produits montent en qualité mais que les prix ne bougent pas"

Alors que la consommation de viande bovine est dynamique, les cotations sont en net recul. Pour Guy Hermouet, éleveur et président de la section bovine d’Interbev, la hausse de la demande en viande hachée ne doit pas être un prétexte à la baisse des prix observée. Il fait le point pour Pleinchamp sur la situation de la filière après cinq semaines de confinement.

Comment évolue la situation sur le marché de la viande bovine ?

Guy Hermouet : Après une baisse pendant les semaines 13 et 14, les abattages sont revenus au niveau d'une année normale. L'activité des abattoirs est quasiment normale sauf dans le grand Est, fortement touché par l'épidémie, où le taux d'absentéisme est plus élevé que dans les autres régions. La demande est forte en grande distribution, où on constate +14% en produits frais, +35% en steaks hachés frais et +55% en surgelés.

L'export se porte bien, même si on a constaté cette semaine quelques difficultés vers l'Italie et l'Allemagne, dont on ne connaît pas encore la cause. En broutards, les exportations vers l'Italie sont bonnes. Un point sera à surveiller concernant les jeunes bovins : étant donné qu'il y a eu plus de naissances en 2018, il faudra regarder de près le nombre de sorties d'animaux au mois de mai pour éviter l'encombrement.

Comment expliquer la baisse des prix alors que la consommation est dynamique ?

Guy Hermouet : On ne comprend pas cette baisse et rien ne la justifie : les abattages et la consommation sont là. Or depuis le début du confinement, on observe des baisses de 10 à 14 centimes sur les jeunes bovins et de 7 à 8 centimes sur les vaches. Certains nous disent que les cuirs se portent mal car les tanneries sont arrêtées en Chine et en Italie. L'autre explication est la hausse de la demande en steak hachés. Mais on n'apprécie pas trop cette explication : il faut revaloriser la viande au prix où elle doit l'être.

Il faut que nous travaillions sur la valorisation de la viande hachée. Ce n'est pas concevable que dans ce segment de marché, les prix soient si bas. Aux Etats-Unis, le prix est le double qu'en France ! On ne peut pas accepter que nos produits montent en qualité mais que les prix ne bougent pas.

Certains éleveurs ont annoncé leur intention de retenir les animaux en ferme, et c'est le seul moyen de faire pression vis-à-vis des entreprises. On ne connaît pas encore l'ampleur de cette action mais on pourra en mesurer les premiers effets à partir de la semaine prochaine.

Le stockage privé, qui a été autorisé par la Commission européenne, est-il une solution ?

Guy Hermouet : Le recours au stockage privé pour la viande bovine n'a pas été une demande d'Interbev. Cela peut avoir un effet bénéfique aujourd'hui, mais aussi un effet négatif quand cette viande ressortira. Nous préférons le dégagement de marché : il y aurait des opportunités sur certains pays comme les pays du Maghreb ou l'Arabie Saoudite par exemple. On ne comprend pas pourquoi Bruxelles n'incite pas dans ce sens-là. Le stockage privé est en revanche un outil intéressant pour certains pays comme l'Irlande, qui exporte 80% de sa production.

Quelles actions porte Interbev ?

Guy Hermouet : Il faut remettre en magasin les labels, faire de la montée en gamme. Nous allons mettre en place début mai des communications à ce sujet. On se rend compte que la grande distribution a stoppé ces mises en place et proposé du bas de gamme en profitant des prix qui étaient plutôt bas. Dans le cadre du plan de filière, il y a eu des accords interprofessionnels pour valoriser le Label Rouge, il faut que ces accords s'appliquent. C'est un sujet que nous devons remettre sur la table au niveau d'Interbev.