L’intelligence artificielle imprimera-t-elle sa marque sur l’agriculture ?

L’entrée dans l’ère numérique voit le développement de nouveaux outils et de nouvelles approches dont celles de l’intelligence artificielle. Sauront-elles appréhender la complexité du vivant en agriculture ? C’est la question posée à Mehdi Siné, responsable du service systèmes d’information et méthodologie chez Arvalis.

Perspectives Agricoles : Qu'est-ce que l'intelligence artificielle ?

Mehdi Siné : Yann Lecun, directeur de Facebook AI Research, définit l'intelligence artificielle ou « IA » comme un ensemble de techniques permettant à des machines d'accomplir des tâches et de résoudre des problèmes habituellement réservés aux humains. Les tâches relevant de l'IA peuvent être simples a priori, comme reconnaître et localiser des formes dans une image ou prévoir les mouvements d'un robot pour attraper un objet. Elles requièrent de la planification complexe, par exemple pour jouer aux échecs ou au jeu de Go, ou beaucoup de connaissances et de sens commun quand il s'agit de traduire un texte ou de conduire un dialogue. Depuis quelques années, on associe l'intelligence artificielle aux capacités d'apprentissage : la machine améliore ses performances avec l'expérience, c'est le « machine learning » massivement utilisé par les entreprises d'Internet pour trier ou filtrer des contenus. Apparues plus récemment, les techniques « d'apprentissage profond », ou « deep learning », offrent des capacités supérieures en organisant des couches successives de traitements. Ces méthodes se sont développées avec la disponibilité d'une grande masse de données et une puissance de calcul désormais facilement accessible.

P. A. : Comment l'IA transforme-t-elle les pratiques, en particulier en agriculture ?

M. S. : Au-delà du potentiel de croissance économique qu'elle représente, l'IA est une source majeure d'innovations technologiques, organisationnelles ou encore sociales. Les spécialistes de l'IA estiment que nous n'en sommes qu'au commencement. Dans le secteur de la recherche agronomique, la variété des thématiques abordées par l'IA est déjà très large : détection et reconnaissance d'objets ou d'organismes vivants, modélisation des phénomènes climatiques ou biologiques, ou encore aides à la décision. Les méthodes et les outils utilisés sont également très divers : analyse d'images, de textes ou de données collectées par des capteurs. Ces algorithmes sont désormais facilement accessibles sur des plateformes internet « cloud », le plus souvent en accès libre « open source » . Demain, de nombreuses applications reposant sur ces outils seront utilisées quotidiennement par les agriculteurs de manière plus ou moins visible. Elles les assisteront dans le pilotage des machines de l'exploitation, l'amélioration des diagnostics ou l'enregistrement des données.

P. A. : Y a-t-il déjà des applications concrètes ?

M. S. : Arvalis a très récemment mis en œuvre ce type d'approche avec succès, en particulier pour l'analyse d'images et la reconnaissance d'organes de plantes. En appliquant la méthode « deep learning » des réseaux de neurones convolutionnels, inspirés du principe de fonctionnement du cortex visuel des animaux, l'équipe de l'Unité Mixte Technologique CAPTE d'Avignon a réussi à obtenir une bonne concordance entre la densité d'épis de blé estimée visuellement et son algorithme de détection appliqué à des photos prises au champ. Les résultats ont montré un très faible taux d'erreur (20 épis/m²), suffisant sur le plan de la précision attendue pour un grand nombre d'usages. Ces travaux ouvrent un champ d'application considérable, une fois que les méthodes seront stabilisées et les outils de traitement industrialisés. Hébergés sur un « cloud » interrogeable à distance, ces outils seront demain accessibles aux prises d'image par drones, par smartphones ou encore à des imageurs portables ou embarqués sur des agroéquipements.

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