Grippe aviaire : "la démocratisation du foie gras aboutit à un non-sens sanitaire et économique"

Face à l’évolution préoccupante de l’épidémie de grippe aviaire dans les Landes, le ministère de l’Agriculture étend les zones concernées par les abattages préventifs. Une stratégie vertement dénoncée par le Modef et la Confédération paysanne, qui pointent du doigt l’industrialisation de la filière.

Avec 119 foyers d’influenza aviaire dénombrés dans les Landes, soit plus du double que la semaine dernière, l’évolution de l’épidémie est qualifiée de « préoccupante » par le ministère de l’Agriculture, qui a annoncé le 7 janvier un renforcement des mesures de lutte. Les abattages préventifs, qui ont déjà permis d’éliminer plus de 350 000 canards selon les chiffres ministériels, seront désormais pratiqués dans un rayon de 5 kilomètres autour des foyers, au lieu de 3 kilomètres depuis le 24 décembre. « Ils concerneront dans le 1er kilomètre tous les oiseaux d’élevage et de basse-cour, et pour les 4 kilomètres suivants l’ensemble des palmipèdes et les autres volailles quand elles ne sont pas claustrées », précise le ministère.

De plus, « la zone de surveillance de 10 kms autour des foyers pourra être étendue jusqu’à 20 kms, avec interdiction de sortie et d’entrée de volailles (y compris pour repeupler un élevage qui a terminé son cycle de production), ajoute le ministère. Ces restrictions seront réévaluées d’ici la fin du mois de janvier, à l’aune du bilan épidémiologique. »

A ces fins, « les capacités d’abattage vont être significativement augmentées grâce à la mobilisation du prestataire mandaté par l’Etat, à celle des vétérinaires sanitaires ainsi qu’à la réquisition d’abattoirs supplémentaires », indique le ministère.

Indemnisations "dans les prochains jours"

Les premières indemnisations « pour compenser la valeur des animaux abattus » seront versées « dans les prochains jours », a par ailleurs indiqué le ministre Julien Denormandie, en déplacement le 8 janvier dans les Landes pour rencontrer les professionnels de la filière.

Pour l’interprofession du foie gras (Cifog), ces indemnisations doivent également prendre en compte « les pertes liées à la non-production du fait de l'instauration de vides sanitaires plus longs dans les élevages » mais aussi « les pertes des couvoirs liées aux décisions administratives ainsi que les conséquences économiques pour les entreprises de transformation privées de matière première suite à la mise à l'arrêt des élevages ».

L’interprofession estime que les mesures d’abattages préventifs vont « dans le bon sens » même s’il sera « indispensable de faire très rapidement le point dans les prochains jours afin d'évaluer si cet élargissement à 5 km est suffisant ou s'il faudra aller plus loin ».

"Démocratisation du foie gras"

Les méthodes d’abattages préventifs sont en revanche vertement dénoncées par le Modef et par la Confédération Paysanne, qui estiment que le transport d’animaux vers les abattoirs « représente un risque important de diffusion » du virus. « Les prélèvements pour analyse ne sont faits qu'une fois les animaux arrivés sur le site d'abattage », font savoir les deux syndicats, qui « s’étonnent que les volailles soient déplacées sans que l'on sache en amont si elles sont porteuses du virus ou pas ».

Avec cette troisième épidémie d’influenza aviaire en cinq ans, les deux syndicats arguent que les leçons n’ont pas été tirées des précédentes crises. « L’industrialisation de la filière pour une démocratisation du foie gras aboutit à un non-sens sanitaire et économique », clame Serge Mora, président du Modef des Landes. Le Modef et le Confédération paysanne proposent « d’agir sur les causes structurelles : en relocalisant la production de volailles, afin de limiter les déplacements d’animaux vivants et en réduisant la densité, par exemple en plafonnant le nombre de palmipèdes à 3200 par exploitation dans la filière industrielle en période à risque ».

La solution pérenne ? « Que tous les acteurs soient réunis autour de la table pour réguler la production et changer de modèle ». A défaut, « on se retrouvera bientôt pour une nouvelle crise ».