L'appétit chinois pour le soja sud-américain soutien les prix et augmente les surfaces

L'appétit de la Chine pour le soja cultivé en Amérique du Sud, principalement au Brésil, soutient les prix de la légumineuse et encourage sa production malgré les controverses environnementales autour de la déforestation qu'entraîne sa culture.

Selon le dernier rapport du ministère américain de l'Agriculture (USDA) publié en janvier, les prix du soja aux États-Unis - qui servent de référence au marché - ont augmenté de 50% depuis la mi-août. "La forte demande de la Chine" pour nourrir ses porcs, deux récoltes consécutives à faible volume aux États-Unis et des conditions météorologiques défavorables en Amérique du Sud "ont soutenu des prix plus élevés", explique le rapport.

La demande chinoise pour le soja brésilien, premier producteur mondial avec 121,5 millions de tonnes (+7,1% sur un an) cultivées sur 37 millions d'hectares (+3,5%) - soit autant que la surface de l'Allemagne - "est garantie à long terme", estime l'économiste Gustavo Arruda, de BNP Paribas à Sao Paulo. Selon lui, la Chine "reconstruit sa production porcine de manière organisée et industrielle" après la peste porcine africaine de 2018 qui a décimé son cheptel, et "aura besoin de plus de soja".

L'analyste Luiz Fernando Gutierrez, du cabinet de conseil brésilien en agrobusiness Safras e Mercado, confirme que "la pandémie n'a pas modifié la demande de la Chine qui entend renforcer sa sécurité alimentaire et ses réserves" en soja. Ainsi, le géant asiatique a acheté 73% du soja vendu en 2020 par le Brésil pour 20,9 milliards de dollars. La demande était telle qu'elle a fait grimper les prix au Brésil, qui a même dû importer du soja du Paraguay et de l'Uruguay. Profitant de cette hausse de la demande, la Société nationale d'approvisionnement (Conab) prévoit pour 2021 une augmentation de 3,3% des terres cultivées, la production devant ainsi passer à 134,5 millions de tonnes.

Argentine et Paraguay aussi

 En Argentine, l'autre géant d'Amérique latine, après une campagne 2019-2020 marquée par la sécheresse, le secteur entend lui aussi profiter de l'envolée des prix en plantant jusqu'à 100 000 hectares supplémentaires pour porter la surface plantée à 17,2 millions d'hectares. En 2019, le soja a rapporté 16,943 milliards de dollars de revenus à l'Argentine (26% de son total à l'export), année où la Chine a acheté 88% de sa production.

Au Paraguay, sixième producteur mondial de soja après le Brésil, les États-Unis, l'Argentine, la Chine et l'Inde, la superficie plantée a elle aussi augmenté entre 2019 et 2020 pour atteindre 3,6 millions d'hectares et une récolte "historique", selon la Chambre paraguayenne des céréales et des oléagineux (Capeco). La hausse du prix des céréales en général est une "bonne nouvelle" pour l'Argentine, qui a besoin de devises étrangères, se réjouit auprès de l'AFP Fernando Botta, ingénieur agronome et courtier en grains à la bourse de Rosario, près de Buenos Aires. Mais il ne pense pas que pays soit à la veille d'un nouveau "boom du soja" (1980-2005) qui a fait de la légumineuse le principal bien d'exportation du pays.

En revanche, il estime "probable que cette hausse des prix ne soit pas que temporaire". Selon lui, les problèmes de production dus à la sécheresse aux États-Unis et la participation des fonds d'investissement dans le marché des matières premières "font penser que nous avons quelques années devant nous qui pourraient être positives pour presque toutes les matières premières".

Agriculture controversée

Mais la production de soja est entourée de controverses en raison de la déforestation qui progresse pour gagner des terres arables et de l'utilisation intensive de produits phytosanitaires que cette culture génétiquement modifiée nécessite. Mi-janvier, le président Emmanuel Macron a recommandé d'augmenter la production de soja en Europe pour être "cohérent avec les ambitions écologiques" de l'UE. "Quand on importe du soja qui est fait à marche forcée sur de la forêt détruite au Brésil, nous ne sommes pas cohérents avec nous-mêmes", a-t-il dénoncé.

La déforestation en Amazonie avait battu tous les records en 2019, première année de mandat de Jair Bolsonaro, avec 9 178 km2 dévastés. En 2020, elle a atteint 8 426 km2, soit 8% de moins. Ce point constitue l'un des principaux obstacles à la ratification par les pays européens de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur.