Les éleveurs mobilisés pour le maintien de l’abattoir de Blancafort

Le devenir de cet outil jugé indispensable pour la filière régionale inquiète très sérieusement les éleveurs. Et la FNSEA CVL reste sceptique sur la stratégie d’entreprise du Groupe LDC.

L e 3 juillet, la section avicole régionale de la FNSEA CVL invitait le Groupe LDC pour échanger sur le devenir de la filière avicole régionale, en particulier sur l’avenir de l’abattoir de Blancafort. Bruno Mousset, directeur du pôle amont de LDC, s’est prêté au jeu face aux éleveurs  représentants du Centre-Val de Loire et Cornélia Perrier, technicocommerciale chez Huttepain Aliments.

LE MARCHÉ DE LA DINDE EN FORT RETRAIT

La filière dinde française est en difficulté depuis vingt ans. Elle enregistre une baisse continue de la production, passant de  2 millions de dindes produites en 2004 à 600 000 dindes en 2024. Le consommateur privilégie le poulet qui représente 80 % des achats de volailles, contre 13 % d’achats de dinde. Cette évolution s’explique par une forte progression de la génétique « poulet » contribuant à un rendement de découpe difficilement accessible pour la dinde. Le marché international, essentiellement européen, n’est également pas favorable à la dinde française : « L’Allemagne et la Belgique élèvent des souches plus grosses et plus rentables car elles s’adressent également au marché de la charcuterie, avec un meilleur équilibre matière que la France », précise Bruno Mousset.

Face à ce constat, le Groupe LDC, dont la politique d’entreprise est avant tout une recherche de compétitivité et une spécialisation des sites pour améliorer sa performance, s’adapte en réduisant son nombre d’abattoirs de dindes (celui-ci est passé de 10 en 2016 à 5 en 2025).

UN MANQUE DE DÉBOUCHÉS

Le Groupe LDC a racheté l’abattoir de Blancafort au Groupe Avril en 2015, et en a fait un site d’abattage et de découpe primaire de dindes 100 % halal. Le site compte environ 130 salariés permanents et une quarantaine d’intérimaires. Depuis 2018, l’abattoir est en déficit de 27 millions d’euros cumulés, la perte s’élevant de 800 000 à 1 million d’euros par mois ces derniers temps. Les charges de structure ne sont plus couvertes et l’abattoir est obligé d’être alimenté par les autres sites du groupe pour fonctionner. Le débouché est le principal problème de ce site d’abattage qui n’a pas de ligne de transformation propre et travaille à 60 % pour les autres sites du groupe LDC. Le reste de sa production est à destination des grossistes en forte concurrence avec le marché européen.

De plus, pour le Groupe LDC, le bassin de l’emploi est dépourvu de personnes prêtes à rester dans l’entreprise, rendant l’acquisition de compétences instable. Le groupe LDC a investi plus de 17 millions d’euros depuis le rachat de l’abattoir en 2015 et a recentré l’activité uniquement sur de la découpe primaire pour s’adapter aux compétences. Face aux pertes qu’il ne peut plus absorber, il a envisagé plusieurs options stratégiques :

• la pérennité du dispositif à hauteur de 20 000 dindes produites par semaine, avec la réduction du nombre de salariés aux seuls permanents. • la recherche d’un autre acteur pour une reprise.

• et la fermeture du site.

La possibilité de se reconvertir en découpe de poulets « lourds » a également été envisagée, mais n’a pas été retenue compte-tenu des contraintes de cette production (deux sites d’abattage :  mâle et un femelle, approvisionnement de 700 000 poulets par semaine, 450 emplois CDI par abattoir). Le Groupe LDC prévoit de prendre sa décision d’ici la fin de l’année 2024.

"On a des éleveurs performants, une région avec des forts potentiels, Blancafort est incontournable pour faire vivre cette filière"

UN MAILLON INDISPENSABLE POUR LES ÉLEVEURS

Les éleveurs ne peuvent accepter ce manque de perspectives affichées pour le maintien de l’abattoir de Blancafort, avec un délai donné de prise de décision si court. Le développement du parc de production avicole s’est fait avec l’ensemble des maillons de la filière, permettant la construction d’un grand nombre de bâtiments pour répondre aux besoins des opérateurs.

Même si Bruno Mousset assure que le Groupe LDC se sent engagé et ne laissera pas tomber les éleveurs, la possible fermeture de l’abattoir de Blancafort va créer des zones blanches, dans lesquelles les éleveurs n’auront plus de débouchés. Le refus de transformer l’abattoir en poulets (« lourds » ou standards) ou de remettre de la transformation sur le site pour favoriser les débouchés n’est pas recevable pour les éleveurs. « On a des éleveurs performants, une région avec des forts potentiels, Blancafort est incontournable pour faire vivre cette filière », réagit Ludovic Giry, président de la section avicole FNSEA CVL.

Les échanges ont été francs et importants. Toutefois, les responsables professionnels restent sceptiques et s’attèlent à trouver des soutiens pour pérenniser l’outil d’abattage de Blancafort. Des actions auprès des élus régionaux et départementaux seront engagées dans les prochains jours