En attendant la flotte (de robots)

Avec les tracteurs autonomes et les robots très spécialisés, les essaims de petits robots constituent une autre forme de robotisation des travaux agricoles. La start-up AgreenCulture et Kuhn l’explorent à travers le projet Centeol.

Pourquoi l'autonomie ? « Parce que la population active agricole ne cesse de baisser et que la main d'œuvre se fait de plus en plus rare ». Pourquoi une flotte de petits robots ? « Parce que la compaction des sols, engendrée par des matériels toujours plus lourds, est un facteur limitant la fertilité ».

C'est ainsi que Christophe Aubé, président de la start-up toulousaine AgreenCulture, introduisait la présentation du projet Centeol dans le cadre d'une conférence au salon Innov-Agri, consacrée aux perspectives, opportunités et questionnements (et l'agriculteur dans tout cela ?) posés par les projets de robotisation, émanant de nombreux opérateurs.

Même rendement, moins d'intrants

En 2018, AgreenCulture et Kuhn se sont lancés un défi : tester le concept d'essaim de robots pour conduire 50 ha de maïs en automatisation totale (hors récolte). Au printemps 2018, deux robots ont assuré la préparation du sillon avant de réaliser les semis (8 km/h) tandis qu'un troisième réalisait un premier apport d'engrais fourni par un autre partenaire (Compo), suivi d'un second plus tard en saison. Deux robots ont assuré le désherbage à raison de deux à trois passages, avec une précision de 2 mm au niveau de l'antenne, permise, entre autres, par la mobilisation d'une trentaine de satellites des quatre constellations existantes (Beidou, GPS, Galileo, Glonass).

Résultats ? « On a enregistré le même niveau de rendement, soit 100 q/ha, qu'une parcelle témoin conduite de manière classique », indique Christophe Aubé. « Mais on a réalisé une économie de 50% d'engrais et de 70% d'herbicides en poussant le smart farming dans ses retranchements, avec la modulation de dose et les applications ciblées ».

Des outils calibrés au robot et pas l'inverse

Le principe qui a prévalu au concept Centeol est le suivant : à partir d'une capacité de traction et d'une capacité de charge définies, Kuhn a développé des outils dont les exigences sur ces deux paramètres étaient adaptées aux capacités du robot.

En clair : l'inverse de ce qui se passe sur les ensembles tracteur-outil, où les constructeurs de tracteurs et de matériels se livrent à une course poursuite sans fin, poussant à l'inflation des mensurations et confinant à la compaction, que les pneus grand volume et les chenilles tentent de contenir. « Nous sommes très fiers de notre implication dans ce projet », explique Jean-Marc Debien, chef produit chez Kuhn. « Nous continuons d'analyser les nombreuses données collectées pendant le challenge ».

10 à 20 ans

Les deux entreprises ne délivreront pas la moindre information quant aux schémas de développement (quels parcellaires en jeu, combien de robots selon le système) et encore moins quant au modèle économique. Deux questionnements largement prématurés à ce stade. « Les capteurs en temps réel, les automatismes embarqués sur les machines, les robots spécialisés en maraichage par exemple, toutes ces formes de robotisation sont aujourd'hui une réalité », souligne Guillaume Laplace, responsable agriculture de précision à la Chambre d'agriculture de Haute-Garonne. « Pour ce qui est de la conduite autonome d'une culture, illustrée par Centeol, on table sur une échéance à 10 ans et peut-être à 20 ans pour ce qui est de la conduite autonome d'une exploitation ». De quoi laisser le temps au législateur de baliser la route des robots. Et de préparer les esprits.