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Peu lacrymogène, l’oignon doux des Cévennes déjoue tous les périls
Confinement, crues dévastatrices, changement climatique, pression foncière : la coopérative Origine Cévennes, qui assure environ 90% de la mise en marché de l’AOC oignon doux des Cévennes, témoigne, jusqu’à présent, d’une résilience à toute épreuve. Il faut dire que c’est dans l’ADN de l’oignon que d’être peu lacrymogène.
« Le confinement, à la vérité, on va seulement le découvrir », prend soin de tempérer en préambule Thomas Vidal, directeur de la coopérative Origine Cévennes. « Le confinement de printemps coïncidait avec la fin de notre campagne commerciale, qui s’étale entre la fin août à fin février début mars. Pour ce qui est de ce confinement d’automne, on est dans l’expectative totale ».
Basée à Saint-André-de-Majencoules (Gard), la coopérative est le porte-étendard de l’AOC oignon doux des Cévennes, décrochée en 2003 avant l’AOP en 2008. Si le confinement bis porte nos concitoyens derrière les fourneaux, l’oignon doux ne devrait pas en pâtir.
La coopérative écoule 55% de sa production auprès des grandes surfaces et 35 % auprès des grossistes. Le solde se partage entre l’export et la vente directe au magasin attenant à la station de conditionnement et aux entrepôts frigorifiques.
710 mm en 6 heures
Créée en 1995, la coopérative fédère une centaine producteurs exploitant au total environ 52 hectares dispersés sur 2000 parcelles établies en terrasses dans les vallées de l’Hérault, de l’Arre et de leurs innombrables « valat », ces ruisseaux encaissés comme on les dénomme en pays cévenol.
Le 19 septembre dernier, sous l’effet de pluies torrentielles (jusqu’à 710 mm en 6 heures), de nombreux murets ont cédé et la terre s’en est allée avec les systèmes d’irrigation. « La récolte était achevée et toute la production était à l’abri, précise le directeur. Environ 8 hectares sont endommagés, ce qui pourrait engendrer un déficit de production de 300 t en 2021 ».
En 2020, la coopérative a collecté 2400 tonnes, un bon millésime acquis grâce notamment à la relative clémence climatique... précédant la catastrophe, qui a fait deux victimes. « Quand les étés sont très chauds, on a du mal à faire du calibre, relève Philippe Boisson, vice-président de la coopérative. Cette année, on a été relativement épargné par les coups de chaud tandis que des orages sont venus en renfort de l’irrigation ».
Le double impact du changement climatique
Le changement climatique ne menace pas seulement l’oignon dans la phase de production. Il influence également les conditions de conservation des oignons une fois récoltés. « Dans le passé, on pouvait conseiller aux producteurs de stocker un tiers de leur production hors frigo, à savoir celle qui serait conditionnée et expédiée lors des premiers mois de la campagne de commercialisation », explique Nathalie Pérez, ingénieure agronome, en charge du conseil.
« Désormais, cette option est exclue et les conditions de température et d’hygrométrie que l’on connait en période de récolte nous orientent sur des techniques de séchage à basse température, pour éviter le développement de champignons », précise-t-elle.
Avec le changement climatique, le déficit de rotation est une autre menace pesant sur la production. « Environ 10% des parcelles sont concernées par la rotation, poursuit Nathalie Pérez. Pour inciter les producteurs à s’engager dans cette voie, la coopérative pousse à la diversification en prônant la culture de pommes de terre, la plantation de vergers de pommiers ou encore la production de semences de tournesol ».
La coopérative collecte aussi de la châtaigne et mise sur la toute nouvelle AOC Châtaigne des Cévennes, décrochée en septembre dernier par l’Association des producteurs de châtaigne de Cévennes.
La production d’oignon reste cependant la plus lucrative. « Un hectare d’oignon doux des Cévennes peut faire vivre une famille, déclare Philippe Boisson. Il faut dire que notre oignon est unique ». AOC oblige, on ne peut dénier au vice-président d’Origine Cévennes son allégation. « Il s’en fait un peu partout de l’oignon doux mais le Cévennes, c’est le Cévennes, il est beau, il est bon et vraiment doux, face à la concurrence, on reste très très doux ».
Outre l’AOC, la coopérative cultive d’autres particularismes tels que le label Zéro résidu de pesticides (6% de la production en 2020), la prédilection pour le conditionné au détriment du vrac pour capter de la valeur ou encore sa flexibilité logistique. Son outil industriel est apte à traiter 3000 tonnes annuelles, de quoi offrir une marge de progression à la production, qui permettrait d’étirer la campagne commerciale jusqu’au printemps et d’accroître encore un peu la valorisation.
« Aujourd’hui, on peine à satisfaire la demande, déclare Gaëtan Reilhan, président de la coopérative. Aux côtés des contraintes hydriques et agronomiques, l’accès au foncier reste le principal frein au développement de la culture. On essaie d’identifier des parcelles abandonnées ou des parcelles potentiellement aménageables dans le périmètre de l’AOP, mais c’est très compliqué ».