Suicide, des angles morts

[Edito] Rapport parlementaire sur la prévention du suicide, appel à témoignage sur le site internet du Sénat, implication des Services de remplacement, en attendant le plan d’action opérationnel du gouvernement : les initiatives se multiplient pour contrecarrer la funeste spirale. Mais pour l’association Solidarité Paysans, le mal n’est pas pris à la racine.

La dernière initiative en date est l’œuvre du Sénat. La Haute Assemblée vient d’ouvrir une plateforme d’appel à témoignages, invitant les proches des victimes à éclairer autant qu’ils peuvent, et de manière anonyme bien entendu, ce mal qui ronge la profession. « Ce fléau se renforce du silence qui l’entoure, nous devons briser ce cercle vicieux », justifie le sénateur Henri Cabanel, à l’origine d’une proposition de loi et membre d’un groupe de travail transpartisan sur le sujet. Accessible sur le site du Sénat, la plateforme est ouverte jusqu’au 15 janvier 2021.

L’Assemblée nationale n’est pas en reste. Il y a quelques jours, le député Olivier Damaisin a remis au Premier ministre un rapport de 89 pages, issu d’une mission parlementaire, tentant de décrypter les facteurs de mal-être et de risque suicidaire. Une connaissance qui « progresse même si le lien entre la situation économique et sociale des agriculteurs et le risque suicidaire est difficile à mettre en évidence », pointe le document. Dans ses recommandations, le rapport préconise d’améliorer l’identification des agriculteurs en difficulté, le maintien du lien, la mobilisation et la formation des sentinelles, la coordination des acteurs de la prévention, l’accompagnement des agriculteurs, notamment les jeunes en phase d’installation, ainsi que la communication et le financement de certains dispositifs mis en œuvre.

Le rapport adresse un satisfecit aux initiatives locales, dont celles menées par l’association Solidarité Paysans qui, aux côtés d’une dizaine d’autres institutions et organisations, à commencer par la MSA mais aussi les Chambres d’agriculture et la Coopération agricole, mettent en œuvre des dispositifs de prévention, d’information et d’accompagnement.

Sans oublier le ministère de l’Agriculture qui, il y a moins de trois ans, a réformé les cellules départementales et le dispositif d’accompagnement, rebaptisé Aide à la relance de l’exploitation agricole (AREA). Celui-ci a pour objet de repérer les agriculteurs en difficulté avant la cessation de paiement, sans restreindre le champ d’investigation aux seuls aspects économiques, avec des gages en matière de confidentialité. Problème : les cellules-ci ne sont pas opérationnelles sur l’ensemble du territoire.

Des angles morts

C’est l’un des angles morts du rapport parlementaire dénoncé par Solidarité Paysans. Mais ce n’est pas le seul. « Il faudrait surtout interroger le modèle de développement agricole, responsabiliser l’amont et l’aval de la production, et former les futurs paysans à une agriculture plus autonome, respectueuse des Hommes et de la terre », juge l’association.

D’autres manquements sont dénoncés tels que la dématérialisation, l’absence de services publics en milieu rural, l’indifférence à la détresse des membres de la cellule familiale. Rien non plus sur les agriculteurs qui cessent leur activité, sur l’accès à la formation professionnelle de ceux en procédure, en plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ou encore sur le soutien au redressement de l’exploitation.  

L’association pointe enfin l’absence de recommandation pour faciliter l’accès aux financements des agriculteurs bénéficiant d’un échéancier de paiement ou d’un plan judiciaire d’apurement du passif. De quoi faire méditer le ministère.

Solidarité Paysans salue cependant les recommandations du rapport liées à l’aide au répit et à  l’accès au service de remplacement en cas d’épuisement professionnel, ainsi que le rappel du principe de consentement de la personne en difficulté comme préalable nécessaire pour engager un accompagnement. Un peu d’espoir.