Comprendre l’enjeu du carbone en agriculture

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La compensation carbone, une contrepartie rémunératrice

Pour accompagner la réduction des émissions de carbone, les exploitations agricoles peuvent bénéficier de crédits carbone. Sur 40 à 50 euros environ, la valeur de la tonne de CO2 en 2023, 32 à 40 euros rémunèrent l’agriculteur pour chaque tonne économisée.

Comment fonctionne la vente de crédits carbone sur une exploitation agricole ? Samuel Vandaele, agriculteur et président de France Carbon Agri Association, précise la démarche mise en œuvre dans le cadre du Label national bas-carbone : « Un bilan initial est réalisé sur la base des pratiques mises en place sur l’exploitation au cours des 3 dernières années. Le technicien préconise des leviers adaptés au système d’exploitation pour réduire et stocker le carbone. Un bilan est effectué à mi-parcours et 40% du montant de l’engagement initial est alors versé. Des actions correctrices, par exemple pour s’adapter aux évolutions de l’exploitation, peuvent être proposées. Au bout des 5 ans, le bilan final est certifié par un auditeur indépendant. Il confirme les quantités de CO2 réellement évitées ou stockées. Le solde du paiement est alors versé sur la base du bilan réel ».

Samuel Vandaele estime que 650 tonnes de CO2 sont évitées ou séquestrées en moyenne par exploitation sur 5 ans. Pour lui, outre le financement obtenu, les pratiques mises en place (autonomie, résilience, protection des sols…) ont, en premier lieu, un intérêt technico-économique. « Dans la grande majorité des projets, nous constatons une amélioration des indicateurs économiques de l’exploitation, surtout liée à la diminution des charges », indique-t-il. Le coût de la réalisation des diagnostics et du suivi par le technicien est au maximum de 2500 euros. Samuel Vandaele signale que ce coût est pris en charge par certaines coopératives ou certains Conseils régionaux.

Plusieurs approches coexistent

Pour Fabien Driat, agriculteur en conversion en bio dans l’Aube, l’avantage économique est clair : « Grâce à la séquestration du carbone, je peux rendre rentable une culture qui ne l’était pas. Par exemple, des parcelles de trèfle ou de luzerne génèrent 2 tonnes eqC02/ha/an en comptant les travaux d’implantation. Ces cultures apportent deux fois plus de certificats carbone qu’une surface de blé. Certaines parcelles deviennent donc plus intéressantes agronomiquement et aussi financièrement ». Fabien Driat travaille avec le mandataire Soil Capital Carbon depuis 3 ans. La durée de son engagement est annuelle. Il reçoit chaque année une rémunération de ses certificats carbone et s’acquitte de 980 euros par an de frais de diagnostic. Fabien Driat note l’importance de choisir un prestataire qui dispose de solides compétences agronomiques. Il recommande aussi de s’intéresser à la méthode utilisée pour le calcul du bilan carbone. Elle doit être transposable à chaque exploitation, suffisamment précise sur le plan agronomique et reconnue par les acheteurs de certificats carbone. L’objectif pour lui est bien la performance agronomique qui va de pair avec la production de biomasse et un bon rendement en carbone. « Les certificats carbone amènent une rémunération complémentaire mais ne sont pas un but en soi », confirme-t-il.

Chaque tonne de carbone évitée, par réduction des émissions ou stockage, devient un crédit qui a une valeur sur le marché.

CAP2’ER, un outil de diagnostic pour l’élevage et les grandes cultures

CAP2’ER, créé par l’Idele, est utilisé dans le cadre du Label bas-carbone pour la compensation carbone volontaire. Plus de 32 000 diagnostics ont été réalisés en 2023. Au niveau national, 1800 conseillers ont été formés à son utilisation dans plus de 380 organismes. « Le niveau 1 de CAP2’ER offre un diagnostic simplifié. Il est directement accessible en ligne aux agriculteurs. C’est une porte d’entrée vers une démarche de progrès en matière de carbone », explique Jean-Baptiste Dollé, directeur Climat Environnement Ressources de l'Idele. Ce diagnostic peut être poussé plus loin avec le niveau 2 de l’outil. Plus complet, il donne accès à une compréhension fine de l’empreinte carbone et permet d’établir un plan d’action avec les agriculteurs.

D’autres sources de financement

Des « primes » bas-carbone sont de plus en plus proposées aux agriculteurs par les agro-industriels (Saipol, Nestlé, Cargill…), à travers divers cahiers des charges. Pour le consortium CarbonThink (AgroSolutions, I4CE, INRAE, Planet A, Terreasolis), un crédit carbone finançant une transition et une prime filière finançant une performance peuvent intelligemment s’articuler. Un des enjeux est de coordonner les différentes sources de financement, y compris la PAC.

« C’est aussi le cas de Nataïs, fabricant leader du popcorn en Europe qui rémunère les producteurs de maïs ayant implanté un couvert végétal réussi, fait savoir Suzanne Reynders, responsable du programme prioritaire international sol et climat de l’Inrae. D’autres entreprises, comme McDonald’s pour leurs produits maraichers, ou Lu dans la gamme Lu Harmonie, ont mis en place le paiement d’un premium à leurs agriculteurs en compensation de pratiques plus respectueuses de l’environnement ». Elle distingue deux situations : les démarches « in setting », qui reposent sur la chaine de valeur interne pour réduire l’impact carbone et garantir la qualité des approvisionnements, et les démarches de type bilan carbone des entreprises qui recherchent à l’amont (fournisseurs) un meilleur bilan en utilisant les crédits carbone.

Des diagnostics et des méthodes

Dans le domaine agricole, 6 méthodes ont été approuvées par le Label bas-carbone :

- « Carbon Agri », de l'Institut de l'élevage (Idele), calcule le carbone économisé, exploitations de polyculture élevage bovin ;

- « Ecométhane », de l'entreprise Bleu Blanc Cœur, cible la réduction des émissions de méthane d'origine digestive par l'alimentation des bovins laitiers ;

- « Grandes cultures », développée par Arvalis, Terres Inovia, l'ITB, l'ARTB et Agrosolutions ;

- « Haies », conçue par la Chambre d'Agriculture des Pays de la Loire ;

- « Plantation de vergers », créée par la Compagnie des Amandes ;

- SOBAC'ECO TMM, de l'entreprise SOBAC, cible la gestion des intrants.

Des travaux sont menés avec les instituts techniques agricoles pour harmoniser ces méthodes et les élargir à l’ensemble des productions.

 

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