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Comprendre l’enjeu du carbone en agriculture
La compensation carbone, une contrepartie rémunératrice
Bien que la simple conscience écologique puisse suffire à avoir des bonnes pratiques environnementales, il faut savoir que ces bonnes pratiques peuvent aussi amener à une rémunération compensatrice pour les agriculteurs. Nous allons voir comment.
De plus en plus d’initiatives sont prises en faveur d’une compensation financière pour les agriculteurs qui travaillent sur l’amélioration de l’empreinte carbone globale. Le gouvernement s’est d’ailleurs positionné à ce sujet notamment dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), au travers du label Bas Carbone.
SNBC et Label Bas Carbone
Le label Bas Carbone est un outil adopté par le Ministère de la Transition Ecologique en 2019. Il s’inscrit dans la SNBC dont le but est de réduire l’empreinte carbone des Français et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Cet outil crée un cadre pour financer des projets locaux qui réduisent des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit de récompenser les pratiques qui vont au-delà des pratiques habituelles. Sur la base du volontariat, toute personne qui souhaite soutenir des projets à impact positif et certifiés sur le changement climatique peut financer des projets labélisés bas carbone. Ce sont ainsi 17 000 tonnes de CO2 évitées pour 24 projets forestiers et 391 projets agricoles lors du premier appel à projet « Label Bas Carbone » lancé en 2019. « Ce sont plus de 1700 agriculteurs impliqués lors du second appel à projet (…) et on s'attend aujourd'hui à une augmentation du nombre d'agriculteurs investis qui pourraient atteindre jusqu'à 10 000 agriculteurs à l'horizon de 2 ou 3 ans », déclare Marie-Thérèse Bonneau, présidente de France Carbone Agri Association.
Marché du Carbone Volontaire
La compensation volontaire repose sur le financement de projets de réduction des émissions de carbone ou de stockage du carbone pour compenser ses propres émissions qui sont incompressibles. Ce marché est apparu en France dès 2018 afin d’atteindre les objectifs fixés lors de la COP21.
Le principe : D’un côté, je suis une entreprise, une collectivité ou un particulier. Je souhaite compenser mon impact carbone. Cependant je ne peux pas, par moi-même stocker du carbone ou même réduire directement mes émissions. Je peux cependant décider de financer un projet de réduction du carbone par l’achat de crédits carbones. De l’autre côté, je suis un agriculteur. J’améliore mes pratiques (en mettant en place les leviers vus précédemment) et ainsi je réduis mes émissions de carbone voire je stocke du carbone. Je peux ainsi convertir ce carbone évité en crédits carbone. Chaque tonne de carbone évitée devient un crédit qui a une valeur sur le marché (de l’ordre de 25€ à 30€ par crédit).
Nous avons donc des agriculteurs qui ont des crédits carbone à vendre et de l’autre des entreprises qui souhaitent acheter ces crédits carbone. Les étoiles s’alignent pour créer un marché du carbone.
Pour accompagner ces acteurs dans la mise en place de ce marché, des associations et des entreprises comme France Carbone Agri Association, Soil Capital, Terra Terre, Stock CO2, etc., se sont créées pour faire le lien entre les agriculteurs vendeurs de crédit carbone et les acheteurs.
Leur rôle est également d’établir des méthodes de diagnostic, de calcul et de certification des crédits carbone. Dans le cadre du label Bas Carbone, cette méthodologie s’appuie sur des méthodes validées qui sont aujourd’hui :
- La méthode « Carbon Agri »
- Pour l’élevage bovin et les grandes cultures, elle est basée sur l’outil CAP’2er présenté dans la partie 2 de ce guide.
- La méthode « Haies »
- Pour la gestion durable des haies bocagères
- La méthode plantation de vergers
- Pour le stockage de CO2 lors de plantation de fruitiers sur une terre non cultivée
- SOBAC’ECO-TIMM
- Pour la gestion des intrants, avec SOBAC
- Ecométhane
- Pour la réduction des émissions de méthane d’origine digestive par l’alimentation des ruminants laitiers, avec Bleu Blanc Cœur
- Grandes Cultures
- Avec Arvalis, Agrosolutions, Institut Technique de la Betterave, l’Association Recherche Technique Betteravière, Terres Inovia.
Si vous n’entrez pas dans ces catégories, d’autres méthodes sont en cours de création et de validation. Elles paraitront progressivement pour couvrir l’ensemble du secteur agricole.
Les agriculteurs peuvent donc se rapprocher de ces entreprises et associations s’ils souhaitent s’intégrer à ce marché du carbone volontaire.
Des subventions publiques pour la décarbonation ?
Hormis le « Bon Diagnostique Carbone » porté par le ministère de l’agriculture, il n’existe pas aujourd’hui de subventions publiques directes des pratiques bas carbone. Certaines pratiques sont tout de même subventionnées par la Pac dans le cadre des mesures agro-environnementales mais elles ne sont pas liées directement à un objectif carbone. Ceci pourrait changer, selon Suzanne Reynders, responsable partenariat environnement à Inrae. « La Pac va évoluer et ces sujets sont en discussion. L’Europe notamment a la volonté de mettre en place des mesures similaires à celle de la France pour la compensation carbone ».
Le financement carbone par les initiatives privées portées par l’industrie agro-alimentaire
Des entreprises privées, particulièrement les agro-industries, ont pris depuis quelques années des initiatives pour financer la décarbonation de l’agriculture. Ce financement se fait souvent de manière directe avec des entreprises qui rémunèrent leurs producteurs pour leurs pratiques bas carbone. « C’est le cas de Nataïs, fabricant leader du popcorn en Europe qui rémunère les producteurs de maïs qui ont mis en place un couvert végétal réussi. Il va jusqu’à essayer de mesurer l’impact carbone de ses agriculteurs. D’autres entreprises comme McDonald’s pour leurs produits maraichers ou Lu dans la gamme Lu Harmonie ont mis en place le paiement d’un premium à leurs agriculteurs en compensation de pratiques plus respectueuses de l’environnement », explique Suzanne Reynders. Cette rémunération du carbone s’inscrit donc dans la contractualisation avec des industriels de l’agro-alimentaire. Ces derniers imposent dans certains de leurs cahiers des charges, des contraintes pour des pratiques bas carbone en contrepartie du paiement d’un premium à leurs producteurs.
Il existe donc plusieurs systèmes de rémunération du carbone. La France semble se diriger vers la compensation carbone volontaire qui est aujourd’hui en train de se développer rapidement.
>> Cliquez ici pour aller à la partie 5 : Faut-il prendre place sur le marché du carbone ? |