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AOP ou IGP : Les labels de qualité européens se veulent complémentaires, mais leur logique reste différente
En inscrivant d’un coup sept charcuteries traditionnelles élaborées en Corse sous l’indication géographique protégée (IGP) « Île de Beauté », l’Institut National des Appellations d’Origine (INAO) suscite une polémique entre les partisans de l’IGP et ceux de l’AOP. Ces derniers regrettent le choix de l’IGP, qui ne certifie l’identité géographique que d’une seule des 4 étapes de fabrication de l’AOP : exclusivité sur la matière première – la race ou la variété – et exclusivité géographique du lieu de production, de transformation et d’élaboration. En effet, le consommateur ne risque-t-il pas d’être choqué d’apprendre que la charcuterie traditionnelle corse qu’il consomme a pu être en partie fabriquée ailleurs à partir de viande de porc breton, voire… allemand ?
Commentaire
L'INAO, organisme qui gère la reconnaissance des signes officiels de qualité (AOP, IGP) – sous contrôle de leur enregistrement au niveau européen – est sollicité par des professionnels désireux de faire enregistrer un cahier des charges pour préserver un savoir-faire. Dès lors que l'une des étapes de l'élaboration du produit se déroule dans la zone géographique qu'elle entend mettre en valeur, le processus de certification en IGP peut avancer. IGP ou AOP, la démarche est toujours rigoureuse, longue car soumise à rapports contradictoires de la part d'experts indépendants et n'aboutissant que sous condition d'un consensus large de la part des commissions spécialisées qui l'examinent (et souvent imposent des conditions supplémentaires à l'obtention du label). Il se déroule toujours sur plusieurs années.
Aujourd'hui, on compte environ 1 500 dénominations européennes protégées de denrées alimentaires (non comprises les quelques 2 200 dénominations concernant les vins et spiritueux), parmi elles, environ 700 détiennent l'AOP. Mais les contraintes de l'AOP entraînent souvent un coût de revient élevé et des volumes restreints, ce qui influe sur la capacité à développer la notoriété : en définitive, on constate que les produits AOP constituent rarement le fer de lance de l'expansion commerciale des spécialités nationales.
Il existe des exceptions notoires, comme le Comté, mais pour accélérer le développement sur de tels produits, il n'existe guère que deux ou trois voies : - L'évolution récente du cahier des charges du camembert AOP illustre la première voie : préserver l'AOP tout en la faisant évoluer pour assouplir – certains diront affaiblir – le cahier des charges à respecter. Ainsi, le recours exclusif au lait cru n'est plus obligatoire et la proportion minimale de vaches de race Normande dans les troupeaux se réduit. Les professionnels en attendent des volumes fortement accrus, alors qu'à ce jour, moins de 10 % de la production de camembert bénéficie de l'appellation. - Le choix de l'IGP, comme en Corse, illustre un autre chemin : plutôt que de vendre une production parfaitement orthodoxe mais limitée par les capacités insulaires, les promoteurs de la nouvelle appellation ont choisi de mettre la priorité sur le savoir-faire artisanal et l'image de l'île en général. « Démarche d'industriels, qui dénature l'identité des produits » disent les puristes. Mais le but est clair : dans le respect des cahiers des charges, se donner les moyens de développer la production pour répondre à une demande en expansion (tout en protégeant l'orthodoxie de la méthode de fabrication). Et, en définitive, faciliter le rayonnement d'un terroir, de ses produits et de ses traditions.
Cet article est extrait de la revue PRISME, l'analyse de la conjoncture et de l'actualité agricole et agroalimentaire
Lire tout le dossier : PRISME n° 21 – JUIN 2018 - L'analyse de la conjoncture et de l'actualité agricole et agroalimentaire