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Au revoir la PAC… tu n’es plus la bienvenue en Europe
La Politique agricole commune cristallise depuis plusieurs années les tensions au sein de l’Union européenne. A intervalles réguliers, des économistes, des scientifiques en tout genre, voyant la fin du monde se rapprocher à grands pas, ciblent la PAC pour stigmatiser non seulement son coût budgétaire, mais aussi, et surtout, sa responsabilité dans la destruction de la biodiversité.
Les 3 600 scientifiques surgissant de 63 pays, ont porté récemment l'estocade contre la PAC. Plus qu'une offensive, c'est une véritable guerre qui vient d'être déclarée à la plus ancienne politique commune de l'UE.
L'aventure de la Politique agricole commune (PAC), enclenchée au début des années 1960, est-elle arrivée à son terme ? La question mérite d'être posée, au regard des attaques aussi permanentes que brutales envers une politique européenne qui – mais ce rappel sera sans doute balayé d'un revers de main – a permis aux Etats membres d'atteindre l'autosuffisance alimentaire, de répartir les productions sur les territoires, d'induire des emplois, de satisfaire les besoins de l'industrie de la transformation et de faire jusqu'à présent de l'UE une puissance agro-exportatrice, ce dernier point risquant de faire grincer quelques dents du côté des détracteurs de la PAC. Elle nous a pourtant nourris, a contribué à allonger l'espérance de vie par la qualité et la sûreté des aliments. Telle une sans papier, une apatride, la PAC est sommée de prendre un radeau de fortune et de s'éloigner des rivages de l'UE. Elle n'est plus la bienvenue.
Ils étaient vingt et 3 600
Les voilà nombreux, 3 600 au total, venant de 63 pays, à faire le coup de poings à la face d'une PAC qui, passe encore, est la source de tous les tourments de l'UE, mais surtout, dotée de dizaines de milliards d'€ de budget, à l'origine de la destruction – c'est leur mot – de la biodiversité. Franchissant le seuil du tolérable, ces scientifiques estiment même que la PAC va constituer un frein au déploiement du Green Deal. Et cette ritournelle, énoncée inlassablement, selon laquelle 80% des aides PAC sont captées par seulement 20% des agriculteurs. Outre que cette proportion a été contestée à plusieurs reprises, rappelons tout de même que ces 20% sont à l'origine de près de 90% de la production agricole en France. Arrivera bien le jour où les dix plaies d'Egypte, le tremblement de terre de Lisbonne en 1755...etc... auront pour origine la PAC !
Et ces scientifiques, qui n'hésitent pas à s'en remettre à la fameuse enquête réalisée par ce grand quotidien américain, The New York Times, qui avait mis au jour cet argument selon lequel les aides avaient pour retombée de mettre en péril l'environnement. Scientifiques objectifs, n'hésitant pas à courir le risque d'être inféodés à des Américains qui, depuis les débuts de la PAC, n'ont qu'une obsession, d'écarter des marchés l'agriculture européenne, et singulièrement celle de la France, la plus puissante des 27 Etats membres.
Sous-jacent à cette charge féroce contre ce qui a fait l'Europe, l'objectif de limiter la production, de moins livrer sur les marchés ces produits imprégnés de pesticides et autres engrais meurtriers. Militer en d'autres termes pour une agriculture à la britannique, plus soucieuse des paysages, de l'environnement, que de nourrir hommes femmes et enfants. Au moins, de l'autre côté de l'Atlantique, aux Etats-Unis – messieurs les scientifiques le saviez-vous ? – on a conservé un dispositif d'aide alimentaire instauré en 1933, qui, dans les moments forts des crises, comme en 2008-2012, a permis de nourrir pas moins d'une quarantaine de millions d'Américains durement frappés par la récession.
Menaces sur l'autosuffisance alimentaire de l'Union européenne
Politique commune de l'ancien monde, la PAC doit laisser la place au nouveau monde, se délester de son budget pour que – puisque l'on ne se décide pas d'augmenter, l'actualité le montre, la taille du budget européen – les secteurs d'avenir puissent bénéficier de la réallocation en gestation des enveloppes budgétaires.
Partant de là, livrons-nous à un exercice d'économie-fiction (réalité ?). Admettons que l'UE, en privilégiant l'environnement, abandonne la production, acte économique suspect, sale car détruisant la biodiversité. La conséquence directe, à moyen terme, sera l'étiolement de notre autosuffisance alimentaire, avec, contrepartie directe, notre dépendance vis-à-vis de l'extérieur pour se nourrir. Peut-on l'envisager sérieusement dans un monde instable, géopolitiquement menaçant ? Car il n'y a qu'un pas à penser que, pour s'alimenter, l'UE pourra puiser dans les réserves agricoles et alimentaires mondiales. Les concurrents directs de l'UE (Brésil, Russie, Etats-Unis...) apprécieront, d'autant plus qu'ils exporteront à un coût moindre vers les consommateurs européens. Mais en exportant davantage pour approvisionner une Europe de quelque 500 millions d'habitants qui aura renoncé à son autosuffisance, ils priveront ipso facto leurs propres citoyens et ressortissants des disponibilités produites sur leur territoire.
Scientifiques comme responsables européens sont bel et bien à contre-courant de l'histoire du monde. Une histoire qui envoie suffisamment de signaux pour faire comprendre aux nations qu'il faut dépendre le moins possible de l'extérieur pour se nourrir. L'agriculture est perçue ailleurs comme un levier de la puissance, comme un support d'une approche géostratégique du monde. En tournant le dos à son agriculture, en dressant une oreille à l'écoute des propos des fossoyeurs de la PAC, l'UE rentre à reculons dans l'histoire. Il appartiendra dès lors à chacun de juger des actes de l'UE.
Contact : Thierry Pouch - APCA