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Grippe aviaire : ne pas stigmatiser tel système ou tel maillon
Concentration et hyper-segmentation ont été pointées du doigt lors de la dernière épidémie. Le maillon transport est également mis en cause. Elevage fermier ou industriel : l’influenza aviaire n’a aucune préférence et s’agrippe à tout. Chacun est responsable en matière de biosécurité.
Les 7 et 8 novembre, la Confédération paysanne organisait à Billère (Pyrénées-Atlantiques) un colloque sur l'influenza aviaire (IA), réunissant des scientifiques, des vétérinaires, des élus, des représentants des services de l'Etat (Dgal, Anses) et bien entendu des éleveurs. Une initiative louable après deux épidémies successives, l'épidémie de 2016/2017 se traduisant par l'abattage de plus de 4 millions de palmipèdes. C'était aussi l'occasion de faire sur le point sur la maladie, ses origines, son épidémiologie, les causes de sa résurgence les deux années passées, sans oublier une actualisation des obligations et recommandations pour prévenir les risques d'introduction et de propagation au sein des élevages.
L'influenza aviaire, en résumé
En résumé, les oiseaux sauvages et les espèces aquatiques en particulier, souvent migratrices, constituent le réservoir de l'influenza. Le virus, capable de survivre très longtemps dans l'environnement, notamment dans l'eau à basse température, se transmet aux volailles de basse-cour et aux élevages de plein air par contacts rapprochés, plutôt par voie respiratoire pour l'IA faiblement pathogène (IALP) et par voie digestive pour l'IA hautement pathogène (IAHP), après l'ingestion d'eau ou d'aliments contaminés. Sous sa forme faiblement pathogène, l'IA ne révèle aucun signe clinique et n'est donc pas détectable. Mais l'accumulation progressive de mutations ainsi que le brassage génétique peuvent faire passer le virus du statut faiblement pathogène au statut hautement pathogène, via un gradient de signes cliniques (symptômes respiratoires, chute de ponte, troubles digestifs, respiratoires et parfois nerveux) aboutissant inexorablement à la mort. La combinaison de ses protéines de surface H (pour hémagglutinie) et N (pour neuraminidase), offrant 16 X 9 formes possibles (H5N1, H5N8...) tue dans l'œuf toute idée de vaccination.
Fermier ou industriel : aucune préférence du virus
Les élevages industriels, davantage préservés des risques de contamination par l'avifaune, peuvent être contaminés à l'occasion du transport d'oiseaux (œufs, poussins, prêts à gaver...) et par les activités humaines : déplacement des personnes avec des chaussures ou des vêtements contaminés), déplacement de véhicules et équipements (cages, matériels...) non désinfectés. « Les élevages en autarcie encourent moins de risques que les élevages à forte densité d'animaux », concède Christine Filliat, vétérinaire avicole au sein du Vétopôle 26 (Drôme). « Mais le respect des règles de biosécurité s'impose à tous. Les petits élevages ne doivent pas risquer d'apparaître comme négligents en matière d'hygiène. En privilégiant l'obligation de résultats sur l'obligation de moyens, la loi prend indirectement en compte la diversité et la pluralité des élevages ».
« Des routes tapissées de plumes »
Pendant le colloque de Billère, les éleveurs de la Confédération paysanne n'ont pas manqué dénoncer la filière longue, ou industrielle pour le dire autrement, symbolisée dans le Sud-Ouest par les coopératives Euralis, Lur Berri et Maïsadour. Concentration et hyper-segmentation sont dans le viseur des éleveurs en circuits courts et en autarcie, qui considèrent l'industrialisation comme une des sources des crises sanitaires à répétition. « La filière avicole est allée trop loin dans l'industrialisation », explique Nicolas Girod, secrétaire national en charge de l'élevage à la Confédération paysanne. « Il faut revisiter ce modèle mortifère. L'adéquation entre production, consommation et attentes sociétales nous obligent à nous tourner vers d'autres systèmes de production, de transformation et de distribution malsaine. Les transports sont les meilleurs vecteurs du virus ». Et la Confédération d'évoquer la contamination de plusieurs départements le 1er décembre 2016 par le transport d'animaux infectés en provenance du Tarn, une affaire portée en justice. « En Chalosse, en haute saison, les routes sont tapies de plumes avec les mouvements incessants de camions dans tous les sens », s'est exprimé un éleveur dans l'assistance. « Que l'on ne nous parle pas de biosécurité ».
Risque de transmission à l'homme
Le transport des animaux est un des maillons de la chaîne régulièrement pointé du doigt par les éleveurs. Un maillon, comme tous les autres, de l'élevage à l'abattage et à l'équarrissage, concerné par les règles de biosécurité, et qui va faire l'objet d'un nouvel arrêté dans les jours à venir. Pas sûr qu'il institue des restrictions de circulation aux camions transportant des animaux, une demande de la Confédération paysanne, qui dénonce d'autres aspects de la gestion de la grippe aviaire telle que la politique d'abattage sans discernement après détection ou encore le peu de cas qui est fait des races rustiques prétendument immunisées, « Il ne sert à rien d'opposer les modèles de production », souligne Anne Bronner, cheffe du bureau de la santé animale à la Direction générale de l'alimentation. « Les pratiques en matière de biosécurité doivent encore évoluer. Il n'est pas envisageable un instant de garder des élevages contaminés. Les risques d'infection de l'homme par l'influenza aviaire sont une réalité. Aujourd'hui, la gestion de l'influenza aviaire est du ressort du ministère de l'Agriculture. Il faut souhaiter qu'elle ne passe pas au ministère de la Santé ».