Le parquet antiterroriste classe sans suite une plainte contre Tereos

Le parquet antiterroriste a classé sans suite la plainte déposée par des coopérateurs du leader français du sucre Tereos, qui accusaient le groupe d'avoir maintenu des livraisons en Syrie de sorbitol, retrouvé dans des caves du groupe Etat islamique, a appris mardi l'AFP auprès du parquet de Paris.

Cette plainte contre X avait été déposée le 19 mars pour "actes de terrorisme et de complicité d'actes de terrorisme", au sujet des livraisons de sorbitol, un dérivé du sucre potentiellement utilisable comme propulseur d'engins explosifs lorsqu'il est mélangé à du nitrate de potassium. "L'examen de cette plainte", classée sans suite le 3 avril, "n'a pas révélé (...) l'existence d'une entente ou d'un groupement susceptible d'avoir réuni la société Tereos et l'organisation terroriste État islamique ou toute autre organisation terroriste, y compris de façon indirecte", a détaillé le parquet.

Par conséquent, le ministère public estime que l'association de malfaiteurs terroriste n'est pas établie. "Je suis abasourdie par la célérité du classement. Cela a été fait en moins de quinze jours, ce qui veut dire que, face à de tels faits, le parquet de Paris n'a pas pris la peine de faire des vérifications", a regretté Me Jade Dousselin, l'avocate des plaignants. "Depuis le début, notre volonté est la désignation d'un juge d'instruction", a-t-elle ajouté, expliquant avoir désormais l'intention de former un recours hiérarchique auprès du procureur général.

À l'inverse, le groupe a estimé dans un communiqué que "la rapidité par laquelle la justice a répondu à cette plainte démontre, si besoin était, que Tereos n'a rien à se reprocher dans ce dossier". Dans la plainte consultée par l'AFP, les plaignants rappelaient que fin 2016, après la libération de la ville irakienne de Mossoul, l'ONG Conflict Armament Research (CAR) mandatée par l'Union européenne avait inspecté "un entrepôt de l'État islamique", y découvrant "des dizaines de sacs de sorbitol estampillés Tereos".

Alerté par l'ONG, le groupe admet, au terme de vérifications, que ce produit provient bien de ses usines picardes : en mai 2015, une cargaison de 45 tonnes de sorbitol avait été livrée en Turquie avant de disparaître et d'être retrouvée un an plus tard en Syrie, "dans les caves de Daesh" (nom arabe du groupe EI).

En décembre 2017, l'information ayant été rendue publique, le leader du sucre avait assuré "avoir suspendu ses livraisons de sorbitol dans les zones dites à risques" dès l'alerte du CAR en novembre 2016. Toutefois, selon les plaignants qui se fondent sur une enquête interne de l'entreprise, deux autres livraisons à destination de la Syrie ont été réalisées en février et juillet 2017.

"Nos ventes en Syrie étaient légales (...) Nous y avons mis un terme lorsque nous avons découvert que le produit était détourné", avait réagi mi-mars la direction du groupe auprès de l'AFP, dénonçant une "tentative de déstabilisation". Les plaignants et la direction du groupe s'opposent depuis fin 2016 dans une crise interne au conseil de surveillance de Tereos, sur fond d'effondrement des cours mondiaux.