Les futurs agronomes marocains en immersion dans le Cantal

Ce sont les futurs ingénieurs agronomes ou vétérinaires du Maroc, ils viennent parfaire leur formation et s’immerger dans l’(agri)culture cantalienne.

Quand le 19 juillet 1995 Henri Nallet et son homologue marocain à l'Agriculture, Otmane Demnati, ont semé les germes du "stage 250", ils n'imaginaient pas que plus d'un quart de siècle plus tard, les passerelles entre la France et les écoles marocaines d'ingénieurs agronomes et vétérinaires seraient toujours aussi vivaces et fertiles. Et s'ils ne sont plus aujourd'hui que 125 étudiants(1) à faire le voyage depuis le continent nord-africain, l'objectif est resté le même : parfaire leur formation en s'immergeant dans le quotidien d'exploitations agricoles de l'Hexagone tout en découvrant la culture et les subtilités de la langue française.

Enrichissement mutuel

Salma Tabit, 18 ans, en 1re année préparatoire à l'École nationale d'agriculture de Meknès, et six autres étudiants, ont saisi cette opportunité et candidaté pour un stage dans le Cantal. "On avait le choix de réaliser un stage en France ou au Maroc, j'ai choisi de le faire ici. C'est la première fois que je viens en France et c'est déjà une belle découverte", témoigne la jeune fille, qui se félicite de la prévenance de son maître de stage, M. Poudeyroux, éleveur de chevaux de selle aux portes d'Aurillac. Et si le voyage de 48 heures en bus et bateau depuis Meknès n'a pas été de tout repos, Salma ne regrette pas d'avoir opté pour un stage associant le soin aux animaux, la découverte de la gestion d'une exploitation et... l'apprentissage de l'équitation. Le nettoyage quotidien des boxes ne la rebute pas, et la jeune Marocaine se réjouit de l'accueil que lui réservent les Cantaliens qu'elle a pu croiser depuis son arrivée, mi-juin. "Tout est nouveau pour moi, j'ai déjà appris beaucoup de choses, et ici tout le monde est vraiment gentil...", témoigne la jeune fille pour qui l'agriculture et l'agronomie sont des voies d'avenir et de débouchés professionnels assurés dans son pays. En 28 ans, ce sont plus de 6 000 étudiants stagiaires et 3 500 agriculteurs français qui se sont enrichis mutuellement de cette expérience. "Tous ne resignent pas d'une année sur l'autre car cela demande beaucoup d'investissement, de temps, les jeunes sont nourris, logés chez les exploitatants, partagent l'intimité de la famille... expose Arnaud Dumaître, référent du Réseau Maroc, en poste au lycée Louis-Mallet de Saint-Flour. Mais chaque année, ils sont entre 4 et 500 à accueillir ces jeunes Marocains et certains sont fidèles depuis 28 ans car cela leur permet d'aborder une culture, une façon de voir différente."

Élevage, attelage et traction... équins

Le Haras d'Aurillac a rejoint le dispositif voilà trois, quatre ans de par les relations antérieures entre Arnaud Dumaître et Gil Aleyrangues, directeur adjoint du Haras. Le site aurillacois accueille ainsi cet été deux étudiantes marocaines en stage auxquelles est proposée une formation équitation-attelage (module de 56 heures au total) dont Salma est l'une des cinq autres bénéficiaires. "Elles apprennent comment mener un cheval à pied, comment l'utiliser comme animal de travail, de traction, en se projetant dans le cadre d'une exploitation agricole...", expose Ariane Littardi, directrice de la délégation territoriale de l'IFCE Auvergne-Rhône-Alpes. Un mix entre découverte et perfectionnement autour de l'utilisation des chevaux qui répond à "un vrai besoin au Maroc, que ce soit en agriculture mais aussi pour la Garde royale qui a une grande place dans la culture marocaine", expose Arnaud Dumaître. Si la fin du stage est prévue fin juillet, pas question pour autant de couper les ponts avec la France et cette expérience. "Les maîtres de stage font eux aussi un voyage au Maroc pour revoir leurs stagiaires et découvrir à leur tour l'agriculture marocaine, indique le référent cantalien du réseau. Des relations se perpétuent au fil des ans. Et j'ai même connaissance d'étudiants marocains qui se sont installés en France, comme un jeune qui a fait l'opération 250 en 1998, devenu ingénieur à Rabat, qui a fait validé son diplôme de vétérinaire en France, où il exerce." (1) Au lieu des 250 des premières années, d'où le nom du stage. Initialement, ce sont les exploitations des lycées agricoles (150 à l'époque) qui devaient accueillir chacune deux stagiaires ; depuis, le dispositif s'est adapté et élargi aux agriculteurs.

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