Alimentation et géopolitique : bientôt le réveil de l’Europe

Les puissances du monde et la guerre à nos portes font trembler l’Europe. En 2050, 3 milliards d’hommes vivront dans des régions arides. Dès lors, comment nourrir le monde ? En élaborant des politiques cohérentes et en ne refusant pas les innovations disponibles.

Nourrir les Hommes : c’est la fonction première de l’agriculture. Comment y parvenir à une époque où les tensions géopolitiques se multiplient, où les dépenses en armement explosent, où les rendements plafonnent, où le changement climatique et ses effets s’annoncent dévastateurs ? C’est la série de questions auxquelles Sébastien Abis, directeur du Club Demeter, s’est attelé dans l’édition 2025 du Déméter.

Une équation démographique et climatique complexe


L’équation est d’autant plus complexe que la population mondiale progressera de 2 milliards d’individus d’ici à 2050, pour atteindre 9,7 milliards. Pire, en 2050, près d’un tiers de la population mondiale vivra dans des régions à stress climatique intense. Pour les auteurs du Demeter, ces nouvelles âmes seront autant de bouches à nourrir, mais aussi autant d’intelligence pour effectuer les transitions qui limiteront la faim des générations à venir.

« L’état du monde peut paraître effrayant mais il y a des solutions pour mieux produire, partager les productions alimentaires, entamer des transitions et sortir du tout pétrole », explique le directeur du Club Demeter. En Europe, la fête est finie. « La PAC nous a mis dans un confort alimentaire à nul autre pareil. L’Europe a eu tendance à faire l’autruche, à faire travailler les autres pour elle et à ne pas voir son effacement du top marché. Elle prend aujourd’hui conscience que sa division est son plus grand challenge. Dans ce maelström de changements stratégiques, nos démocraties européennes sont indéniablement bousculées ». Face à ce changement rapide, l’Europe doit retrouver force, agilité et résilience. Et se rappeler qu’elle conserve des atouts, comme son agriculture, laquelle représente 15 % des emplois dans les états membres, 1000 milliards de chiffre d’affaires au sein de l’UE et 70 milliards d’excédent commercial par an. « La réalité des faits, c’est qu’on n’a jamais autant échangé qu’en 2024 et que le changement climatique accentue les interdépendances », rappelle Sébastien Abis.

L’adaptation, un impératif pour l’avenir


 « Pour sauver la planète, des ajustements sévères sont nécessaires dès maintenant si l’on vise la soutenabilité à long terme. Nous devons poursuivre les efforts d’atténuation mais définitivement nous placer dans une gestion de l’inévitable : l’adaptation », développe Sébastien Abis. On lira ainsi avec intérêt dans le Déméter 2025 l’article de Christian Huygue, ex-directeur scientifique Agriculture de l’Inrae titré « La France agricole d’ici 2050 : escale sur l’innovation. » Pour le chercheur, tous les éléments existent pour adapter une agriculture productive et qui restaure l’environnement, à condition de se saisir des innovations déjà disponibles, comme les variétés résistantes, les semences biotisées, le relay croping, les innovations technologiques ou l’intelligence artificielle. « Compte-tenu de ces innovations et de l’investissement de la recherche (…), il est clair que nous disposons de toutes les possibilités pour aborder, si nous le décidons, avec sérénité les décennies à venir », conclut-il. Paradoxalement, le monde comme il va ne désespère pas les auteurs du Demeter 2025. Pire, il aiguise leur enthousiasme. Revivifiant !