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« Avec 30% de perte, même assuré, je n’aurais rien touché »
Vigneron à Sablet (Vaucluse), Elie Charols a subi avec le gel d’avril son premier choc climatique en 20 ans de carrière. Attentif au projet de réforme de l’assurance récolte annoncé par le gouvernement, il reste toutefois circonspect.
Dans les allées extérieures du Sitevi, six mois après le gel que le ministre de l’Agriculture a qualifié de « plus grande catastrophe agronomique de ce début de XXIème siècle », les tours à vent anti-gel étaient immanquables. Le vent, ou plus exactement la tombée du vent, c’est ce qui a précipité la catastrophe sur le vignoble d’Elie Charols, situé à Sablet (Vaucluse), en AOC Gigondas et Côtes du Rhône Villages Séguret. « Le mistral a calé dans la nuit du 7 au 8 avril, la température est descendue à -7°C -8°C et dès le lever du jour, on a vu les bourgeons noircir », se rappelle le vigneron. Toute la propriété, soit 32 hectares, est touchée. « Même les galets rouges, qui sont normalement moins sensibles au froid », précise Jacques Charols, le père d’Elie, retraité de 74 ans qui, en 60 ans de métier, n’avait jamais vu pareil sinistre, en dehors d’une alerte sans conséquence en 1991.
Pas assuré mais rassuré par la banque
Dans ces conditions, on l’aura deviné, le Domaine Charols n’est pas assuré. « Dès que j’ai eu fait le tour du vignoble et constaté que tout était cramé, la première chose que j’ai faite ce 8 avril 2021, j’ai appelé ma conseillère au Crédit agricole et qui m’a dit : ne vous inquiétez pas, la banque sera là pour vous soutenir », se remémore le vigneron. Autre source de réconfort, même s’il aura fallu attendre cinq bonnes semaines, la vigne est repartie. Et en fin de cycle, les épisodes de pluie ont été salvateurs. Au final, la perte de récolte s’établit à 30% et elle ne devrait pas hypothéquer l’avenir de l’exploitation. « Il faudra tout de même consacrer 40% de temps supplémentaire à la taille », précise Jacques Charols.
Pour l’heure, le domaine n’a pas bénéficié d’autre soutien que l’exonération des taxes foncières sur les propriétés non bâties.
Malgré le gel d’avril, Elie Charols reste très circonspect sur l’intérêt de l’assurance multirisques climatique telle qu’elle existe actuellement. « Avec 30% de perte, même assuré, je n’aurais rien touché, mes voisins en font l’amère constat », déclare-t-il. Pour 2022, le vigneron escompte toujours faire l’impasse. Pour 2023, il attend de connaître les détails du projet de réforme qui, à ce stade, reste encore assez nébuleux. « Il faudrait être inconscient pour dire : l’assurance, je ne la prendrai jamais, mais il faudra vraiment que le jeu en vaille la peine, en ce qui concerne la franchise et le coût », déclare-t-il.
Pour renforcer sa résilience aux aléas, le vigneron pratique, les bonnes années, la Déduction pour épargne de précaution (DEP), un dispositif fiscal qui permet de soustraire temporairement des revenus des charges fiscales et sociales, avant leur réintégration ultérieure. Après avoir investi dans la rénovation et l’agrandissement de son vignoble, ainsi que dans la vinification, Elie Charols envisage aussi de lever le pied sur les investissements. Pas de chaufferettes en vue donc. « Le prix à l’hectare équivaut à mon chiffre d’affaires à l’hectare », déplore-t-il. Pas de tour à vent non plus. Il est vrai qu’au pays du mistral...